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lundi 2 novembre 2009

L'argent des autres

J'ai beaucoup aimé cette pièce, diffusée sur France 2 vendredi soir. Ecrite il y a 20 ans par un Américain, elle est terriblement d'actualité aujourd'hui en Europe ! L'intrigue rappelle nombre d'affaires qui ont occupé la sphère socio-politique dans un passé récent, d'Arcelor à Continental par exemple. Un financier sans scrupules monte à l'assaut d'une entreprise, familiale à l'origine mais cotée en bourse, entreprise qui connaît des difficultés au point que ce sont les bénéfices des filiales qui seuls permettent d'éponger les pertes de la maison mère.

Partant de la constatation que la valeur de l'actif net est supérieure à la capitalisation boursière, il se propose de liquider l'entreprise, laissant ainsi 1200 salariés "sur le carreau". Les actionnaires (et lui en priorité, car il achète des actions à tout-va) feraient ainsi une plus-value appréciable tout en se mettant à l'abri des risques d'exploitation dans un marché en pleine rétractation. Quand je vous disais que c'était terriblement d'actualité !

Maintenant, est-ce moralement soutenable ? Est-ce défendable ? Est-ce condamnable ? Voire...

A la fin de la pièce, le PDG (fils du fondateur) de l'entreprise décide de s'en remettre au jugement des actionnaires, dont il est sûr (?!...) de contrôler 40 % des droits de vote. Je reproduis ci-dessous, en les commentant chaque fois, les deux discours prononcés lors de l'Assemblée Générale extraordinaire : celui du PDG d'abord, celui du "prédateur" ensuite. Ca incite vraiment à la réflexion...

1) Le discours du PDG



Je vous l'avoue, j'ai beaucoup de mal à admettre qu'il a tort ! Mais vous verrez plus loin, après le deuxième discours, que ce n'est pas si simple. J'ai beaucoup de mal à le contredire, ce brave PDG humaniste, et cet entrepreneur d'un autre temps, si sympathique ! Je vais essayer cependant de lui répondre point par point :

Lui :  Son entreprise est de type "familiale". Sous-entendu, avec une philosophie de type "familiale".
Moi : Est-ce une raison pour faire abstraction des réalités économiques ? Ce type d'entreprise a-t-elle encore sa place dans un marché mondialisé ? Et ce marché correspond-il aux capacités de ce type d'entreprise ?

Lui : L'entreprise a progressé de la 12ème place européenne à la troisième, de la 4ème place en France à la première
Moi : Oui, bravo ! Vous avez su vous battre. Mais, en fait, vous n'avez pas progressé. Vous avez profité du recul plus important encore de vos concurrents. Et vous le reconnaissez vous-même.

Lui : Les entrepreneurs (comme lui) "laissent quelque chose" en partant; ils "créent"; ils "construisent". Ils "dirigent". A l'inverse des purs financiers.
Moi : Totalement d'accord. Rien ne vaudra jamais l'esprit entrepreunarial. Mais c'est là une position philosophique qui n'a de justification que sur le plan humain, et pas sur le plan purement économique. Ce n'est viable que dans un marché en expansion. Quand le marché se rétrécit, le strict respect de ces principes mène inéluctablement à la catastrophe, car ça coûte très cher, et ça demande donc des profits importants.

Lui : Les "prédateurs" comme Garcinet ne savent que liquider des entreprises "qui valent plus mortes que vivantes"il le reconnaît lui-même.
Moi : Ce constat sur la situation de l'entreprise est malheureusement sans appel

Lui : Un jour, les rapports de change s'inverseront, la demande explosera, et le cours des actions remontera
Moi : Ce scénario est passablement hypothétique. L'entreprise tiendra-t-elle jusque là ? Et quid des dividendes pendant tout ce temps ? Le but des investisseurs est-il seulement d'ordre social et humaniste ?

Lui : Que Dieu protège la France si ces "liquidateurs" ont raison. La France deviendrait alors un pays qui ne produirait plus rien, et qui ne vivrait que par la finance. Sous-entendu : une économie "virtuelle"
Moi : Je suis d'accord avec lui. Mais c'est peut-être inéluctable ? Le marché est ce qu'il est. Il ne sert à rien de rêver.

Lui : Une entreprise, c'est beaucoup plus que sa valeur en bourse : c'est un lieu de vie, c'est du lien social. Dans une entreprise, on crée, on ne détruit pas. On se soucie d'autre chose que de la valeur des actions : on se soucie de la valeur des hommes
Moi : Dans un monde idéal, sans doute. Dans le monde réel, sûrement pas, hélas...

2) Le discours du "liquidateur" maintenant


Je vous l'avoue là aussi, j'ai beaucoup de mal à le contredire, ce financier cynique et froid, si antipathique ! Je vais faire le tour de ses arguments :


a) Le discours du PDG tient de la "prière des morts" : ce n'est pas complètement faux...
b) Le marché n'existe plus à cause des nouvelles technologies : c'est souvent vrai...
c) S'accrocher à un marché inexistant est suicidaire : c'est évident...
d) Il faut réaliser son capital et réinvestir dans un marché porteur : évident également...
e) Se soucier de la collectivité et des salariés ? On ne leur doit rien car on les a largement payés, et ils ont exigé énormément de nous : c'est vrai, même si ce n'est pas toujours compris (les salariés ne touchent que la moitié environ de leur salaire réel). 
f) De ce fait, l'entreprise nous a saignés à blanc. La collectivité ne s'en est pas occupé : les impôts ont terriblement augmenté, les indemnités des élus ont dans le même temps terriblement augmenté aussi, la masse salariale (charges comprises) a explosé, et dans le même temps également, la valeur des actions a terriblement chuté... : rien que de parfaitement exact...
g) La seule raison d'être actionnaire, c'est de gagner de l'argent ! : quoi d'autre ?...
h) Alors il faut sauver les meubles en vendant ce qui est vendable, avant que ça ne vale plus rien du tout ! Puis investir dans une autre activité, qui créera des emplois, qui rendra service à l'économie, et qui nous rapportera ! : un enfant de CM2 tirerait la même conclusion...
i) Laissons les autorités et les syndicats régler les problèmes sociaux. Nous les avons suffisamment payés pour ça ! Et s'ils réclament encore de l'argent, c'est non : on a déjà donné ! : on ne peut raisonablement pas le contredire là-dessus non plus...

En résumé, il est humainement difficile de contredire le PDG sur la plupart de ses arguments, mais on ne peut contredire le financier sur aucun point. On peut le déplorer, et je suis le premier à le faire, mais c'est un état de fait !

Investir, c'est fait pour obtenir un "retour sur investissement" ! Mettre de l'argent dans une entreprise, c'est fait pour empocher des dividendes ou des plus-values, ou les deux ! Après, si ça fait vivre 1200 familles, si ça aide les finances publiques locales, si les gens sont heureux grâce à l'entreprise, c'est tant mieux. C'est souhaitable. C'est l'idéal. Mais ça n'est pas le seul but, au contraire ! Ce n'est même pas le but principal, n'en déplaise aux collectivistes de tous poils...

Et quand le but principal n'est plus atteint, quand les dividendes sont inexistants et que la valeur de l'investissement diminue, alors, non, monsieur le PDG vertueux, les bénéfices humains ne compensent pas les pertes financières ! Et ce n'est pas non plus "l'espoir qui fait vivre", contrairement à l'adage imbécile. Ni l'espoir d'une évolution favorable des taux de change ni celui d'un retournement du marché. Ce qui fait vivre, ce sont les espèces sonnantes et trébuchantes qui rémunèrent l'actionnariat, au même titre, et pas moins, ni sans moins de bienfondé, que le salaire qui rémunère le travail.

Dernière chose : l'exemple pris dans la pièce de théâtre est une entreprise du secteur de la métallurgie. Le marché de la métallurgie s'est rétracté drastiquement dans les 20 dernières années, et c'est sans doute un des facteurs qui font que cette pièce nous semble si actuelle. Dans le même temps et sur le même marché, cependant, un certain Lakshmi Mittal a fait fortune en Inde. Il serait bon d'étudier les raisons de ce paradoxe. Un premier élément de comparaison vient immédiatement à l'esprit : les contraintes salariales, sociales, fiscales, environnementales, qui alourdissent tant nos coûts de production en Occident, alors que les industriels de ces pays que l'ont dit "émergeants" n'en supportent pas le quart de la moitié. On peut le regretter pour les salariés indiens de monsieur Mittal. Mais n'y a-t-il pas là matière à réflexion ? Ne pourrait-on pas en tenir compte dans les échanges internationnaux ? Si produire de l'acier en Inde pour le vendre en Europe coûtait à peu près aussi cher que le produire directement ici, ne peut-on pas imaginer que le site de Gandrange serait encore en activité ? A méditer...

8 commentaires:

  1. "Maintenant est-ce moralement soutenable ? est-ce défendable, est-ce condamnable ?" On peut toujours se poser des questions, dont les réponses n'ont aucune chance d'avoir le moindre impact sur la réalité ! Les entreprises non rentables sont condamnées à disparaitre, ce qui ne devrait pas choquer la morale, puisque leurs produits ne trouvent plus de clients ou alors à un prix ne permettant plus de payer les salariés et les actionnaires. Ce qui serait moralement choquant, en revanche, serait d'obliger par la force l'achat de ces produits non librement choisis. Ceci dit, la pièce est très pédagogique et je m'étonne même qu'elle soit diffusée sur Fr2...

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  2. Bonjour Lolik,

    Totalement d'accord avec ce que tu dis !

    Pour ce qui est du choix de France 2, je suis comme toi : quand j'ai vu la "bande annonce" sur mon programme télé, j'ai aussitôt pensé qu'il allait s'agir d'une "charge" anticapitaliste. Ca aurait bien été dans la ligne éditoriale de la chaîne. Aussi, j'ai été vraiment surpris en regardant la pièce elle-même. Même pas un commentaire gaucho !

    Et, c'est vrai, la pièce est très didactique. Peut-on espérer qu'elle aura eu des effets positifs sur les téléspectateurs qui l'auront vue ? Je n'en suis malheureusement pas certain. C'est en partie pour ça que j'ai écrit mon billet. Malheureusement, mon audience est bien trop modeste. Mais il n'est jamais inutile de scander les vérités. Encore et encore...

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  3. "Après, si ca fait vivre 1200 familles ..tant mieux".
    Toujours aussi élégant avec les salariés le René....
    Qui oublie de dire que sans ces salariés, il n'y aurait ni retour sur investissement, ni dividendes ni plus values....

    jf.

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  4. "Qui oublie de dire que sans ces salariés, il n'y aurait ni retour sur investissement, ni dividendes ni plus values....".

    Des salariés qui oublient encore bien plus que sans investisseurs, il n'y aurait pas d'entreprises, et donc pas de postes à pourvoir, et par conséquent pas de salaires, et donc personne pour payer le plus gros des impôts, et donc pas d'indemnités de chômage, pas de RSA, pas de minima sociaux, pas de CICAS, pas de sécu, pas de retraites par répartition, pas tous ces subsides artificels dont se régale une part de plus en plus importante de la population, pas de ces services publics mal gérés qui engloutissent des sommes hallucinantes payées en grande partie grâce à l'activité que financent ces maudits actionnaires... La liste n'est pas exhaustive, loin de là.

    Sans les investisseurs, français ou étrangers, actionnaires ou entrepreneurs isolés, pas d'économie, tout simplement. Sauf dans un système à la Besancenot, où c'est l'Etat qui est le seul entrepreneur et le seul acteur de l'économie, avec des capitaux collectivisés, c'est à dire volés aux citoyens. Un système qui ne fonctionne pas et qui, accessoirement, opresse le peuple.

    Un certain nombre de rêveurs s'imaginent encore qu'en mixant les deux systèmes (le capitalisme et le collectivisme), on pourrait en arriver à contenter tout le monde : prendre une grande partie des revenus du capital pour la distribuer aux "travailleurs" (qui, soit dit en passant, le sont de moins en moins, payés qu'ils sont à ne rien faire...), "voler les riches pour donner aux pauvres" en quelque sorte. Ce rêve-là, ça s'appelle le socialisme. Il n'a qu'un seul défaut : ça ne marche pas ! Car le but de tout être humain normalement constitué est de défendre ses intérêts et, quand ils sont menacés, de se mettre à l'abri. D'où des comportements naturels et légitimes, comme par exemple d'aller investir dans des pays qui ne pratiquent pas les mêmes rapines fiscaux. Et d'où par conséquent un ralentissement notoire de l'activité, et corolairement une augmentation signaificative du chômage et de la pauvreté, une inflation d'aides publiques, et donc des déficits, et donc des prélèvements... Le socialisme, c'est tout ça, inéluctablement : un cercle infernal, une spirale vers le bas, la descente aux enfers...

    Et c'est ce que je combats de toutes mes forces, avec d'autres. C'est ce que n'ont pas encore compris tous ceux qui tapent sans relâche, et sans réfléchir, sur ces "conards d'actionnaires", comme dit à juste titre Garcinet dans la vidéo, "conards d'actionnaires" qui continuent à maintenir leurs investissements dans des entreprises moribondes, et qui le sont d'autant plus, moribondes, que l'Etat les "suce jusqu'à la moële".

    Vous voyez, chacun de son côté a une certaine tendance à "oublier" quelque chose, et pourtant quelque chose d'important !...

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  5. Moi je m'en fous de vos diatribes à quatre sous à propos des "connards d'actionnaires puisque nulle part ici et "chez moi" je n'ai utilisé cette xpression ni même fait de billet à ce propos.
    Seulement, vous topurnez en rond mon Cher.
    Si il faut des investisseurs pour qu'il y ait des salariés, sans ces salariés, il n'y a pas d'investisseurs. Point barre.

    jf.

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  6. Dans ce cas, pourquoi faire remarquer avec condescendance que "sans ces salariés, il n'y aurait ni retour sur investissement, ni dividendes ni plus values" ?
    Ce n'est pas à sens unique.
    Point barre.

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  7. Parce que jusqu'à présent vous écrivez toujours, et avec grande condescendance, Mon Cher, A SENS UNIQUE !

    jf.

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  8. Votre réponse, en forme d'accusation, est en soi un aveu : vous reconnaissez votre parti-pris. Je demande "pourquoi" et vous répondez "parce que". Vous admettez donc !...

    Vous avez de plus en plus de mal à trouver des arguments pertinents, Mon Cher...

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