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lundi 29 novembre 2010

Petit cours déprimant d'économie politique

Tout le monde a en tête le grave problème qu'a rencontré la Grèce il y a quelques mois, et tout le monde vient également de suivre les péripéties du problème non moins grave qui s'est posé à l'Irlande, et dont la "solution" nous a été présentée ce week-end, si l'on peut appeler comme ça le compromis que viennent de mettre sur pied les ministres des finances de la zone euro.

Et ce n'est pas tout ! On s'attend (sans doute dans les jours qui viennent), à un coup de semonce à l'égard de l'Espagne et du Portugal. Suivra sans doute l'Italie, et je suis de ceux qui considèrent, contre l'avis officiel de Christine Lagarde et François Baroin, que la France sera directement concernée à plus ou moins brève échéance.

A terme, c'est toute la zone euro qui est ou sera ébranlée par la perte de confiance des marchés. Mais le problème n'est cependant pas circonscrit à cette seule zone euro. En outre, il n'est pas conjoncturel, comme on voudrait nous le faire croire, mais bien structurel.

Je ne suis pas économiste, et ce n'est donc pas l'avis d'un spécialiste de la finance que je vais tenter de donner, mais tout simplement l'avis de quelqu'un qui ne fait que regarder (et subir) le comportement de la plupart des états sur cette planète. Tout au moins des états qui se veulent encore riches, qui ne le sont plus vraiment (voire plus du tout), qui ne veulent pas le reconnaître, qui "font comme si" avec arrogance et irresponsabilité, et dont le comportement est la cause profonde de la crise financière, et accessoirement (!...) de l'appauvrissement des populations.

Une partie du spectre politique, en France et ailleurs, fustige bruyamment le fait que les marchés financiers "feraient la loi", et que les banques seraient la cause de tous nos malheurs.

A première vue, il est vrai, et pour qui ne connait pas (ou ne veut pas connaitre) le fonctionnement de l'économie, il peut paraître a priori étonnant que des états souverains, et possiblement de grands états, réputés détenteurs du vrai pouvoir, se retrouvent à la merci d'organismes politiquement bien moins puissants. A première vue seulement !

Très schématiquement, et pour faire ultra-simple, l'économie fonctionne comme un système de vases communiquants :
  • L'ensemble des travailleurs (je n'ai pas dit les salariés : il s'agit de tous ceux qui travaillent) produisent des richesses
  • Le fruit des richesses produites (les bénéfices réalisés) est réparti entre
    • Les salariés en rémunération du travail fourni
    • Les propriétaires des entreprises (actionnaires ou entrepreneurs individuels) en rémunération du capital immobilisé, et pour investir, c'est à dire pour renouveler ou développer l'outil de production
    • Les organismes de sécurité sociale pour payer les soins, les retraites et les aides sociales
    • L'état pour financer les services publics
  • Chacun de ces bénéficiaires remet tout ou partie de ce qu'il a reçu dans le circuit économique pour se procurer des biens et des services
  • Ce qui nous ramène au premier point (création de nouvelles richesses)
Ce cercle vertueux fonctionne à deux conditions essentielles :
  • Les richesses produites sont suffisantes pour satisfaire les besoins 
  • On ne tente pas de répartir plus que le total des richesses produites
Dans le monde où nous vivons, et dans un grand nombre de pays, il s'avère que ni l'une ni l'autre de ces deux conditions ne sont réunies. En particulier les états, pour des raisons de clientélisme essentiellement, entretiennent des dépenses publiques assez largement supérieures à la part de la production de richesses qui leur revient, à la fois pour les dépenses sociales et pour les services publiques. Et pour combler cette différence (le déficit budgétaire), ils doivent emprunter.

Mais pour emprunter, il faut trouver un prêteur ! Qui prête aux états ? Essentiellement des banques et des organismes financiers. Encore faut-il que ces banques et ces organismes soient sûrs d'être remboursés, et d'être rémunérés. C'est à dire qu'ils aient confiance dans les capacités de l'état à faire face à ses obligations. Et c'est bien là que le bât blesse ! Quand un état se retrouve endetté à un point qui risque de le mettre dans l'impossibilité de rembourser ses créanciers, plus personne ne veut lui prêter. Ou alors à des taux d'intérêt très élevés. C'est ce qui est arrivé à la Grèce cet été, puis à l'Irlande hier, à l'Espagne et au Portugal sans doute demain, à la France peut-être après-demain !

Mais le plus grave n'est pas là : il y a pire encore. Tous ces emprunts que font les états, sont ce qu'on appelle des emprunts "in fine", c'est à dire que l'emprunteur ne paie, durant toute la durée du prêt, que les intérêts de sa dette. Le capital, lui, est sensé être remboursé en une seule fois, à la fin. Comme la situation de l'état ne s'est pas améliorée entre temps (au contraire), il est dans l'impossibilité de rembourser le moment venu, et est donc contraint de faire un nouvel emprunt pour rembourser le précédent ! Si, à ce moment, il ne trouve pas de prêteur, c'est là ce qu'on appelle faire faillite : les établissements financiers prêteurs ne peuvent rentrer dans leurs fonds. Comme ce sont des sommes très importantes, une telle situation (qui ne s'est encore heureusement jamais produite) entrainerait presque immanquablement la faillite de ces banques, et par ricochet celle de leurs clients. C'est une telle catastrophe financière que les instances internationales tentent d'éviter, qu'il s'agisse de l'Eurogroupe ou du FMI par exemple.

Mais pour éviter d'en arriver là, force est de constater que ce ne sont pas les politiques les plus pertinentes qui sont mises en œuvre. Hier à Bruxelles, par exemple, les ministres des finances de la zone euro sont parvenus à un accord qu'on nous présente comme une bonne chose, et qui équivaut cependant à vouloir éteindre un incendie avec un bidon d'essence ! L'Europe vient de s'accorder sur la constitution d'un "Fonds d'aide permanent", financé en partie par les banques. Autrement dit, non seulement pour financer la dette des états membres, l'Europe a décidé de s'endetter elle-même, mais encore a-t-elle décidé de faire en sorte qu'une partie de cette dette soit à la charge des créanciers eux-mêmes ! Assez génial, ne trouvez-vous pas ?

Une autre solution a été mise en oeuvre récemment, qui n'est pas plus pertinente : faire racheter par la BCE certaine dettes publiques. En clair, c'est faire tourner la planche à billets, et payer les créanciers avec cette "monnaie de singe" ! Le procédé n'est pas nouveau. Il a déjà été largement utilisé outre Atlantique. La conséquence mécanique est une inflation galopante, c'est à dire le contraire de la solution au problème posé...

La vraie solution, la seule valable, consisterait au contraire à s'attaquer aux causes au lieu de "rafistoler" des finances publiques calamiteuses. La vraie solution, la seule valable, serait de s'attaquer aux déficits, c'est à dire de cesser enfin de dépenser plus que ce qu'on gagne !

C'est vrai pour le particulier qui devra bien un jour admettre que l'état n'est pas là pour prendre en charge le surplus de ses dépenses qui n'est pas couvert par ses revenus.

C'est vrai aussi pour l'état qui devra bien un jour lui aussi cesser de distribuer des subsides qu'il n'a pas, des richesses qui ne sont pas produites, pour acheter les votes de ces électeurs que l'on entretient dans l'illusion d'une richesse artificielle et fallacieuse, au point qu'ils sont aujourd'hui persuadés qu'il suffit de demander pour obtenir, de descendre dans la rue pour préserver ses privilège, voire pour en obtenir de nouveaux, et au point que la moindre mesure restrictive par rapport à un acquis indu, fût-elle ridiculement insuffisante, est ressentie comme une violation d'un droit naturel.

Ce ne sont pas les citoyens qui sont critiquables, mais bien les dirigeants qui n'ont pas su, et qui ne savent toujours pas, parler le discours de la vérité, comme s'ils avaient affaire à des imbéciles. Les citoyens sont capables de comprendre à condition qu'on cesse de leur dire des sornettes. Peut-être seront-ils en colère. Peut-être ne voteront-ils pas la prochaine fois pour ceux qui les ont menés en bateau. Peut-être vivront-ils des moments difficiles le temps de redresser la barre. Mais au moins évitera-t-on un naufrage inéluctable si l'on continue sur la même lancée. Le réveil sera sans doute difficile, mais l'avenir sera-t-il enfin moins noir et l'espoir sera-t-il enfin crédible.

Mais là, je me surprends à rêver tout haut ! Quel est l'homme politique suffisamment honnête pour dire ces vérités aux citoyens ? J'ai beau chercher, je n'en vois aucun. Et c'est tout à fait déprimant...

samedi 27 novembre 2010

De l'extrême-droite et de la démocratie

En réaction à une information diffusée par mail au sujet d'une demande faite à la mairie de Paris par une association maghrébine, demande dont le sujet n'a pas d'intérêt ici mais qui irritait à juste titre l'auteur du mail en question, j'ai eu l'imprudence d'ajouter le titre "Quand est-ce que ça va déborder ?".

L'un de mes amis à qui j'avais retransmis la chose m'a répondu en ces termes : "Quand les gens en auront assez de notre démocratie à 2 balles, et qu’ils jugeront qu’il vaut mieux voter pour l’extrême droite."

J'ai trouvé intéressant de faire paraître ici ma réponse, qui est la suivante :

Il y a deux lectures possibles de ce qu'écrit mon ami.

Première lecture
« La démocratie est un système à deux balles, et il faut voter à l’extrême droite qui nous en débarrassera »

Je ne suivrai JAMAIS personne sur ce terrain.

L’Histoire nous a démontré ce que sont les régimes non-démocratiques, qu’ils soient « de droite » ou « de gauche ».
L’extrême-droite au pouvoir, ce furent entre autres Hitler, Mussolini, Franco, Salazar, Pinochet…
Le marxisme, à l’opposé, ce furent aussi Staline, Mao, Tito, Jaruzelski, Ceausescu et beaucoup d’autres…
Il existe encore de nos jours pas mal de dictatures toutes aussi haïssables, voire sanglantes.
Toutes ces dictatures se sont singularisées par l’oppression, la répression, les crimes politiques, les déportations, la corruption, l’asservissement des peuples.
« La démocratie est le pire des systèmes. On n’en a pas trouvé de meilleur. » Ce mot célèbre de Winston Churchill, je le fais mien à 100 %. La démocratie, avec tous ses défauts, est le seul régime qui permette au peuple de décider souverainement de son sort. Le suffrage universel est le seul rempart contre la pérennisation de l’oppression, et la séparation des pouvoirs législatif d’une part, exécutif d’autre part, et judiciaire enfin, qui est le principal pilier des régimes démocratiques, n’est absolument pas négociable.
Prôner un système non-démocratique, c’est remettre le sort des citoyens entre les mains d’un seul homme, ou d’une caste, qui gouvernera immanquablement, un jour et l’autre et sans possibilité de retour, à son propre profit et au mépris de la Nation.
Mon refus d’une telle éventualité est sans appel…

Deuxième lecture
« Nous vivons sous le régime d’une démocratie molle (« à deux balles »), et il faut voter à l’extrême droite qui restaurera un pouvoir exécutif fort »

Cette lecture est déjà plus acceptable. Sous certaines réserves que je vais énoncer.

Les institutions de la Vème République comportent ce pouvoir exécutif fort, que j’appelle moi aussi de tous mes vœux, mais que personne depuis le départ du général De Gaulle n’a vraiment exercé dans ce pays.
En particulier, l’élection du Président de la République au suffrage universel lui confère une légitimité incontestable qui lui permettrait d’agir avec les coudées franches. De plus, la récente réforme du quinquennat, avec l’inversion du calendrier électoral, renforce considérablement cet état de fait : le Président est d’abord élu par les Français pour cinq ans, puis dans la foulée, les députés sont élus pour la même durée par les mêmes électeurs. Il y a assez peu de chances dans ces conditions pour que la majorité parlementaire, au moins en ce qui concerne la Chambre des Députés, soit hostile au Président.
On est même dans une configuration plus forte, de ce point de vue, que les Etats-Unis (réputés avoir le système le plus « présidentiel » de toutes les démocraties sur la planète), puisque là-bas les élections de « mid term », à mi-mandat du Président, peuvent inverser la majorité à la Chambre des Représentants, ce qui vient d’arriver à Obama et qui est impossible en France.

Mais les institutions ne sont pas une garantie absolue du bon fonctionnement de l’Etat, ni encore moins d’une politique conforme aux intérêts, ni du pays, ni de la Nation dans son ensemble, ni des citoyens individuellement. Il faut pour cela, d’abord que les citoyens dont nous parlons élisent des personnages (Président, Députés, Sénateurs, élus locaux) qui se proposent de mettre en œuvre les bonnes politiques. Là, c’est le choix de chacun, et on a les dirigeants que l’on mérite. Mais il faut ensuite que ces élus mettent effectivement en œuvre les idées qu’ils ont défendu pour se faire élire. Et là, c’est une autre paire de manches : beaucoup d’entre eux pensent plus à leur future réélection qu’à l’intérêt de l’ensemble des citoyens… C’est pour cette raison que je penche de plus en plus pour l’idée d’un mandat unique dans le temps, ce qui aurait pour effet d’éradiquer l’électoralisme paralysant qui est la marque de nos dirigeants ! Cependant, ça aurait des effet pervers : d’une part la sanction du suffrage universel ne s’appliquerait plus qu’aux partis (ou aux tendances) et non plus aux élus eux-mêmes, et d’autre part on se priverait éventuellement de la compétence et de la bonne gestion de tel ou tel personnage politique qui n’aurait éventuellement pas son équivalent pour le remplacer à un instant T. Ce fut le cas pour le maire de Londres il y a quelques années, et beaucoup de Londoniens ont dit le regretter. Mais à mon sens ce ne sont là, malgré tout, que moindres maux, et le carriérisme politique est de mon point de vue l’une des causes de l’immobilisme de nos hommes politiques.

En résumé, il faut donc trouver un système démocratique, c'est-à-dire dans lequel c’est l’électeur qui choisit ses responsables politiques (et donc, indirectement au moins, les grandes lignes de la politique suivie par eux), et dans lequel les mêmes élus ne concentrent pas les trois pouvoirs fondamentaux. La séparation des pouvoirs est, je le répète encore une fois, indispensable pour préserver un minimum de liberté individuelle.

Dans ce cadre-là, et comme je l’ai dit nos institutions actuelles y répondent à peu près, il semblerait à première vue que voter pour l’extrême droite, c'est-à-dire pour le FN, c'est-à-dire pour la présidentielle voter pour Marine Le Pen, ne soit pas absolument ridicule. A première vue seulement, car on sait ce que sont les promesses électorales quel que soit le bord politique de celui qui les fait, et on sait également par expérience historique quel est le comportement de l’extrême-droite quand elle parvient au pouvoir. Rappelons-nous qu’Hitler s’est fait élire sur la base d’un programme officiellement socialiste ! (« National-sozialist arbeiter parteit » signifie littéralement « parti national-socialiste des travailleurs ». On sait ce que cette dénomination cachait…)

En résumé, je suis pour un pouvoir exécutif fort, soumis au contrôle d’un pouvoir législatif indépendant mais dont les orientations politiques ne soient pas en contradiction avec celles du pouvoir exécutif, et pour un pouvoir judiciaire tout aussi indépendant mais encadré de très près par une législation qui ne lui laisse pas le loisir de contrecarrer la ligne politique des élus de la Nation. Je m’interroge d’ailleurs depuis longtemps sur l’opportunité de soumettre la nomination des juges au vote des Français. Je n’ai pas encore tranché sur le sujet, car le système américain, où l’équivalent de nos juges du siège sont des élus, présente pas mal de dysfonctionnements liés à l’orientation politique de ces magistrats.

Sans aller jusque là, donc, les institutions actuelles permettraient, presque sans modifications, d’en arriver à une gouvernance de qualité et à une action politique réellement volontariste. Le vrai problème ne réside pas dans les institutions, mais dans ce qu’on en fait. Le simple fait d’instaurer des règles qui supprimeraient la « politique du bulletin de vote » (le mandat unique par exemple, dont je parlais plus haut) nous ferait déjà faire des progrès significatifs. Et ceci sans supporter les aléas de porter au pouvoir une extrême-droite qui présente des risques, si ce ne sont pas des probabilités, d’exercice dictatorial du pouvoir. Sans parler de ses options assez catastrophiques en matière de politique étrangère et monétaire, ni de sa propension à inciter au racisme et à la xénophobie.

En tout état de cause, la priorité des priorités est de conserver un régime démocratique, avec ses imperfections sans doute mais avec les libertés fondamentales qu’il garantit. Les réglages fins ne viennent qu’après, en termes de choix des individus et des procédures propres à mener la meilleure politique pour le pays et pour les citoyens. Et certaines options qui se parent des atours de la démocratie mais qui n’en offrent pas les garanties, relèvent de la roulette russe. Je ne me risquerai pas, quant à moi, à prendre ce risque-là.

vendredi 5 novembre 2010

Un déficit de "bravitude"

Je n'ai pas l'habitude de publier ici des textes qui ne sont pas de moi. C'est pourtant ce que je vais faire aujourd'hui.

J'ai reçu ce texte dans le flot de courriels que je lis chaque jour, et dont malheureusement la plupart n'ont que peu d'importance, voire même de sens. Mais celui-là, j'aurais pu l'écrire moi-même tant il reflète ce que je crois. Et je suis, je dois le reconnaître, bien aise qu'un universitaire tel que François Kersaudy exprime avec tant de bon sens ce que je ressens depuis des semaines au sujet de la gabegie que nous vivons, sous la houlette malfaisante de ce contrepouvoir irresponsable que sont les centrales syndicales, à qui on a grand tort de faire crédit des poursuites dont elles sont, elles comme leurs ouailles, passibles au regard du Droit. De ce Droit que même ceux qui ont pour mission de le mettre en œuvre bafouent sans vergogne à longueur "mouvements sociaux" qui sont autant d'insultes à la liberté, notamment du travail.

Voici ce texte, que François Kersaudy a intitulé "Un déficit de bravitude". Lisez-le jusqu'au bout avec attention. Chaque mot a son importance. Et la conclusion est sans appel. Il n'y a plus qu'à espérer que l'avenir la démentira...
« Cette crise finira-t-elle ? », se demandent avec angoisse les Français.
Bien sûr ! Et même très exactement comme les cinquante-deux précédentes : on accordera quelques privilèges supplémentaires aux catégories à fort pouvoir de nuisance, on bradera les examens pour que les étudiants rentrent dans les facs, on calmera les casseurs à coups de subventions, on rendra hommage au sens de responsabilité des syndicats qui s’en iront préparer les prochaines grèves, le fret ferroviaire et les ports achèveront d’expirer, deux mille entreprises mettront encore la clé sous la porte et il y aura vingt mille chômeurs de plus. Bref, rien de bien
neuf pour ceux qui ont vu rejouer tant de fois cette mauvaise comédie depuis quarante-cinq ans.
Tout cela ne justifierait pas un article, si l’on n’expliquait de surcroît les cinq raisons pour lesquelles la France ne s’en sortira pas :
– Aucun président, ministre ou parlementaire depuis des lustres n’est
capable d’annoncer à la France – dans les yeux, comme le général de Gaulle – que le pouvoir n’appartient ni à la rue, ni aux syndicats marxistes, anarchistes ou suivistes, ni aux étudiants et lycéens manipulés, ni à l’opposition pressée de revenir au pouvoir : qu’une démocratie, c’est un exécutif élu qui gouverne, un Parlement élu qui vote des lois, et que les tentatives d’intimidation contre ces deux instances par la force et leblocage sont non seulement illégales, mais encore relèvent du fascisme, au sens original du terme : celui de la marche sur Rome pour effrayer les
autorités italiennes en 1922.

– Nos dirigeants étant apparemment candidats à la canonisation, ils n’osent pas même employer à bon escient ce mot de fascisme, que le PC, l’extrême-gauche et le PS emploient à mauvais escient depuis cinquante ans. Ils n’osent pas davantage énoncer cette évidence que l’égalitarisme forcené et le justicialisme outrancier sont des utopies qui mènent droit à la ruine ou au goulag.

– Le pouvoir syndical d’une infime minorité, avec un fort noyau trotskiste, profite pleinement de la crédulité des Français qui pensent encore que le code du travail permet non seulement de manifester et de cesser le travail, mais aussi d’intimider, de casser, de brûler et de paralyser le pays pour provoquer l’abstention ou la démission des autorités légales. En Grande-Bretagne, qui n’est pas exactement un pays totalitaire, de tels comportements sont passibles de longs mois de prison. Or, aucun responsable politique français n’aura jamais le courage de proposer une réplique de la législation britannique, ou même l’application des lois françaises.

– Ce manque de courage se double d’un déficit manifeste de pédagogie : en leur temps, Pompidou, Barre, Delors ou Rocard auraient exposé clairement aux Français le coût économique de chaque jour de grève, dans un Etat-providence qui vit très au-dessus de ses moyens et accueille toute la misère du monde, face à des pays où l’on travaille dur, longtemps et sans l’agitation corrosive de la lutte des classes. Ils auraient également expliqué en quoi le blocage de l’économie affectera durablement chaque Français, dans son travail, sa retraite ou ses indemnités de chômage, sans fournir la moindre réponse à l’accumulation des grognes individuelles.Mais c’est ainsi : la pédagogie a disparu en même temps que le courage.

– Les élections de 2012 n’y changeront absolument rien, puisqu’un gouvernement socialiste – à supposer qu’il règle ses querelles internes – devra, lui aussi, faire face aux grèves et aux blocages des syndicats marxistes, anarchistes et suivistes de la fonction publique, qui dénonceront avec force les réformes et les non-réformes des « sociaux-traîtres », forcément injustes et antisociales. Rien de neuf, là non plus : dans un petit livre écrit en 2000, Claude Allègre se demandait déjà s’il était bien normal qu’une syndicaliste communiste puisse lancer aux frais du contribuable une campagne pour exiger – et obtenir – la démission d’un ministre socialiste… La réponse est oui, c’est parfaitement normal, car la France, comme disait un universitaire japonais, est devenue un rêve d’anarchiste. A moins de s’éveiller en sursaut, elle ne s’en relèvera pas.
François Kersaudy est professeur à l’Université de Paris I, et auteur du livre
Winston Churchill, le Pouvoir de l’Imagination, éditions Tallandier, 2009.