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vendredi 9 décembre 2011

Justice fiscale

La crise de la dette, dont par parenthèse nous ne semblons pas être près de sortir compte tenu du nouveau "cautère pour jambe de bois" que viennent de décider dans la douleur, la nuit dernière, les 27 pays membres de l'Union Européenne (en attendant la très prochaine adhésion du 28ème canard boiteux), cette crise, donc, a mis sur le devant de la scène la nécessité d'assainir les comptes publics (nécessité qui, pour une fois, ne fait pas loi, semble-t-il !), et donc la mise en œuvre de plans de rigueurs, ou d'austérité selon l'angle sous lequel on les regarde.

Qui dit plan de rigueur dit modification du régime fiscal, et donc il semblerait logique que le citoyen-contribuable, que nous sommes tous, voit son attention attirée par le mode de calcul des impôts et des taxes auxquels nous sommes soumis. Je vais essayer d'apporter à l'édifice de cet examen ma modeste petite pierre.

Il est un vocable que nous entendons à l'envi chaque fois que l'on aborde le mode de calcul de l'impôt. Ce vocable qui, logiquement, devrait illustrer une idée louable mais qui recouvre dans l'esprit de ceux qui le portent comme un étendard quelque chose qui l'est beaucoup moins, c'est le terme de "justice fiscale".

En effet, pour tous ceux qui font de cette "justice fiscale" leur profession de foi, et fustigent à grands renforts d'anathèmes tous ceux qui s'éloignent de leur propre conception de la chose, cette justice-là n'a, pour peu qu'on y regarde de suffisamment près, pas grand chose à voir avec la vraie justice.

Pour illustrer ce propos que d'aucuns vont trouver d'entrée de jeu iconoclaste, je voudrais reproduire ici une allégorie que vient de me soumettre un ami, et dont l'auteur est David R. Kamerschen, professeur d'économie à l'université de Georgie :


Imaginons que tous les jours, 10 amis se retrouvent pour boire une bière et que l'addition totale se monte a 100 euros. (Normalement, cela ferait 10 euros par personne). Mais nos dix amis décidèrent de payer cette facture selon une répartition qui s'inspire du calcul de l'impôt sur le revenu, ce qui donna ceci :

  • Les 4 premiers (les plus pauvres !?), ne paient rien.
  • Le cinquième paye 1 euros
  • Le sixième paye 3 euros
  • Le septième paye 7 euros
  • Le huitième paye 12 euros
  • Le neuvième paye 18 euros
  • Le dernier (le plus riche ?!) paye 59 euros.
Les dix hommes se retrouvèrent chaque jour pour boire leur bière et semblaient assez contents de leur arrangement.

Jusqu'au jour ou le tenancier décida de leur faire une remise de fidélité.
"Comme vous êtes de bons clients, dit-il, j'ai décidé de vous faire une remise de 20 euros sur la facture totale. Vous ne payerez donc désormais vos 10 bières que 80 euros."
Le groupe décida de continuer a payer la nouvelle somme de la même façon qu'ils auraient payé leurs taxes. Les quatre premiers continuèrent a boire gratuitement. Mais comment les six autres, (les clients payants), allaient diviser les 20 euros de remise de façon équitable ?

Ils réalisèrent que 20 euros divisé par 6 faisaient 3.33 euros.


Mais s'ils soustrayaient cette somme de leur partage alors le 5éme et 6eme homme devraient être payés pour boire leur bière.


Le tenancier du bar suggéra qu'il serait plus équitable de réduire l’addition de chacun d'un pourcentage du même ordre, il fit donc les calculs. Ce qui donna ceci :

  • Le 5éme homme, comme les quatre premiers ne paya plus rien. (Un pauvre de plus ?)
  • Le 6éme paya 2 euros au lieu de 3 (33% réduction)
  • Le 7eme paya 5 euros au lieu de 7 (28% de réduction)
  • Le 8éme paya 9 euros au lieu de 12 (25% de réduction)
  • Le 9eme paya 14 euros au lieu de 18 (22% de réduction)
  • Le 10éme paya 50 euros au lieu de 59 euros (16% de réduction)
Chacun des six "payants" paya moins qu'avant et les 4 premiers continuèrent à boire gratuitement. Mais une fois hors du bar, chacun compara son économie :

"J‘ai seulement eu 1 euros sur les 20 euros de remise", dit le 6ème, alors qu'il désigna le 10ème en disant "lui, il a eu 9 euros".

"Ouais" dit le 5ème, "j'ai seulement eu 1 euro d'économie"
"C'est vrai !", s‘exclama le 7éme, "pourquoi aurait-il 9 euros et moi seulement 2 ? Le plus riche a eu le plus gros de la réduction"
"Attendez une minute", cria le 1ier homme, "nous quatre n'avons rien eu du tout nous. Le système exploite les pauvres".
Les 9 hommes cernèrent le 10éme et l'insultèrent.

La nuit suivante le 10éme homme (le plus riche ?!) ne vint pas.

Les neuf autres s'assirent et burent leur bière sans lui. Mais quant vint le moment de payer leur note ils découvrirent quelque chose d'important : ils n'avaient pas assez d'argent pour payer ne serait-ce que la moitié de l'addition !

Voici maintenant ce que m'inspire cette allégorie
  • Au premier abord, la notion de "justice fiscale" peut être appréhendée comme le fait que plus les gens sont "riches" et plus ils doivent participer au financement de la collectivité.
    Dans notre système actuel, cela nous conduit à l'impôt dit "progressif", c'est à dire au système d'imposition par "tranches" de revenus, chaque "tranche" supportant un taux d'imposition supérieur à la "tranche" inférieure.
  • Primo, ce n'est pas évident que ce principe du "plus riche qui paie plus" soit à proprement parler "juste".
    Le citoyen ne devrait-il pas "justement" être traité comme le consommateur qu'il est des services de l'état, et donc participer à l'effort collectif en fonction du volume de sa "consommation" desdits services ?
  • Secundo, et en supposant que le principe de progressivité de l'impôt en fonction des revenus soit finalement retenu malgré tout, l'application d'un même taux de prélèvement à tout le monde engendrerait automatiquement cette progressivité, celui qui gagne deux fois plus payant automatiquement le double et ainsi de suite...
    Faire en sorte que les hauts revenus paient proportionnellement plus que les bas salaires constitue-t-il réellement une mesure de "justice fiscale" ? Ca ne résiste pas en réalité à un examen logique !
  • Est-il juste également que les plus petits revenus ne participent nullement à l'effort de financement du fonctionnement de l'état ?
    Ici encore, la notion de "justice" est totalement bafouée...
  • Avec le système existant, et comme le montre l'allégorie de Kamerschen :
    • Les gens qui payent le plus de taxes (c'est à dire les plus hauts revenus) tirent le plus de bénéfice d'une réduction de taxe, et par exemple des exonérations partielles (ce que nous appelons de plus en plus communément les "niches"). Ce qui induit, fort justement cette fois, un sentiment d'injustice chez les autres...
    • Taxez-les plus fort encore, accusez-les d’être "riches", et ils risquent fort de fuir vers des cieux plus cléments. Et il ne servira à rien ensuite de les traiter de mauvais français ou de déserteurs comme on l'entend ça et là... 
Kamerschen termine son exposé par deux formule laconiques :
  • Pour ceux qui ont compris, aucune explication n'est nécessaire.
  • Pour ceux qui n'ont pas compris, aucune explication n'est possible. 
Je ne suis pas loin de partager cet avis...

Je tiens cependant à ajouter quelques précisions importantes :
  • Le principe que je viens d'énoncer porte un nom. Les Anglo-Saxons l'appellent la "flat tax", ce qui peut se traduire par "l'impôt proportionnel".
  • Ce système est de très loin le régime d'imposition le plus juste. 
    • Le terme de "justice fiscale" utilisé hors de ce cadre est tout simplement usurpé.
    • La justice, c'est traiter tout le monde de la même manière.
    • Ne pas faire payer certains, et en faire payer d'autres proportionnellement plus que la moyenne, c'est le contraire de la justice fiscale
  • Mais pour être vraiment juste : 
    • L'impôt proportionnel doit s'appliquer à tous les revenus, quel que soit leur montant et quelle que soit leur nature.
    • Il doit remplacer tous les autres impôts, puisque par nature ceux-ci sont calculés de manière injuste.
      Avec cependant une exception : la TVA, qui est le seul moyen de faire participer au financement du système ceux qui ne sont pas assujettis à l'impôt et qui profitent néanmoins des services de l'état et des administrations, c'est à dire par exemple les touristes étrangers et les personnes qui n'ont pas de revenus en France.
Voilà la réforme idéale de l'impôt à laquelle devrait s'atteler le vainqueur de 2012. Inutile de dire que dans l'état actuel des mentalités la chose est totalement utopique ! La justice fiscale est donc encore une totale utopie...