Les Anciens avaient inventé la Démocratie
Les Modernes y ont ajouté la Liberté
Nous sommes responsables des deux...

Affirmons nos libertés !

Montesquieu

Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, connu sous le nom de Montesquieu, né le 18 janvier 1689 à La Brède (Guyenne, à côté de Bordeaux), mort le 10 février 1755 à Paris, est un moraliste et surtout un penseur politique, précurseur de la sociologie, philosophe et écrivain français des Lumières.

Montesquieu, avec entre autres John Locke, est l'un des penseurs de l'organisation politique et sociale sur lesquels s'    appuient les sociétés modernes et politiquement libérales.

Je livre ci-dessous une étude de Jean Goldzink, Maître de conférences à Science Po, sur la conception que Montesquieu avait de la liberté, ce en quoi il peut être effectivement considéré comme un des maîtres à penser des Libéraux.

Rappelons d’abord que cette question ne concerne, par définition, que les formes républicaine et monarchique, autrement dit les cités antiques et les États modernes européens. Physique du globe oblige. Mais la liberté, absente par nature des continents asiatique et africain[3] [3] Montesquieu réserve le cas de l’Amérique, déclaré...
suite, est menacée structurellement dans les formes non despotiques par un conatus politique (en fait socio-politique), appelé « corruption ». Il s’agit donc d’un bien précieux mais fragile, d’un bonheur collectif toujours menacé par la « nature des choses », entendons par les divers rapports fluctuants qui tissent et défont la trame des organisations humaines sous l’emprise de la temporalité. Sauf évidemment dans le despotisme achevé, voué à l’éternité d’une corruption sans retour, dont seule l’Europe a pu sortir grâce aux invasions barbares et sa géographie tempérée.

Montesquieu se propose d’examiner la liberté sous deux angles : dans son rapport avec la « constitution » (XI), puis avec le « citoyen » (XII), en vue d’établir les lois qui règlent les liens entre « liberté politique », structure des pouvoirs et citoyens, dans la pluralité des formes politico-sociales aptes à la construire. Mais que faut-il entendre par ce mot galvaudé ? C’est l’objet des chap. 2-3-4 du Livre XI (soit 2 pages !). L’auteur note d’abord sa polysémie inégalée. On a identifié la liberté politique avec le droit de résister ; ou d’élire ; ou de posséder des armes ; ou d’être gouverné selon des traditions nationales exclusives ; ou de vivre dans une forme politique donnée, généralement républicaine, voire même démocratique – en identifiant alors liberté et pouvoir du peuple. Il s’agit selon lui de préjugés partisans. Car la seule vraie liberté consiste à « pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir » (XI, 3).

Ainsi, la liberté n’est pas « l’indépendance », et elle a un rapport consubstantiel avec la loi. C’est un mode de l’action réglée par le droit, autrement dit un mode de l’action régulée par la réciprocité, une réciprocité explicitement codée et connue. Il n’y a liberté que là où il y a permission/interdiction sous forme de lois positives (et non pas naturelles). L’état de nature ne connaît donc pas la liberté, mode du vivre-ensemble sous le signe des droits et devoirs partagés. Toute liberté rencontre dès lors celle d’autrui qui, loin de la brimer, l’autorise et la constitue. Toute liberté est par définition sociale, collective, réciproque. Elle n’est pas un bien individuel préexistant, inaliénable, importé de l’état de nature et garanti par contrat tacite ou explicite. Dans l’état de nature, pour Montesquieu, les hommes naissent sans doute égaux, mais pas libres : ils n’y seraient qu’indépendants. Il n’y a pas de Déclaration des droits de l’Homme possible ; éventuellement, celle des Citoyens, inséparable de leurs devoirs. Nul sanctuaire individualisé et naturalisé, par conséquent, pour la liberté, nul droit de propriété attaché à tout individu humain adulte et raisonnable.

De même qu’on ne doit pas confondre liberté (politique) et indépendance (naturelle), il faut distinguer liberté et république, c’est-à-dire liberté et pouvoir politique collectif. La participation du peuple ou d’une partie du peuple au pouvoir de décision n’est pas constitutive de la liberté politique, contrairement à notre opinion, à celle des révolutionnaires anglais, américains et français de jadis. Qu’il s’agisse à nouveau de contourner Locke paraît indéniable.

Mais alors, où est-elle ? On répond : « dans les gouvernements modérés » (chap. 4). Ce qui signifie que la « nature » aristocratique ou démocratique d’un gouvernement (Livre II) n’assure pas la liberté, si manque la « modération ». Il faut donc un paramètre supplémentaire et transversal, qui ne va pas de soi en république, encore moins en démocratie. La liberté passe par un exercice assagi, discipliné, mesuré du pouvoir. Or le conatus de tout pouvoir pousse à l’abus, et ne se réfrène qu’à la rencontre d’un obstacle. D’où peut venir cette résistance appelée modération ou liberté ? D’une disposition des choses telle que « le pouvoir arrête le pouvoir ». Pourquoi cette réponse ? Parce qu’on s’occupe ici du premier rapport – avec les organes du pouvoir étatique (XI). Mais ce n’est nullement la seule. Car un rapport n’agit jamais seul. L’oublier, c’est manquer Montesquieu.