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samedi 18 juin 2011

A quelque chose malheur est bon

La crise grecque n'a finalement qu'un faible retentissement dans les colonnes des journaux, en dehors des titres spécialisés dans la finance. Ce dont parlent le plus souvent nos journaleux, ce sont des troubles. Pas de leur cause profonde.

De même sur le Net, et parmi les blogueurs, hormis quelques articles disparates et succincts sur le sujet, ce sont surtout les blogs spécialisés en économie, par exemple celui de notre ami Lupus, qui traitent sérieusement du problème.

Encore que ceux-là, et on ne leur en tiendra pas rigueur eu égard à leur spécialisation, s'arrêtent plus volontiers sur les aspects techniques de la crise, et notamment sur ses conséquences purement financières.

Pourtant, et à mes yeux, cet aspect de la crise n'est non seulement pas le seul, mais encore pas non plus le plus grave. Les difficultés de la Grèce devraient au contraire nous faire réfléchir beaucoup plus sur ses causes que sur ses conséquences, en ce sens que si nous ne subissons pas encore en France lesdites conséquences à un niveau comparable à celui que subissent les Grecs, nous avons à notre passif exactement les mêmes causes, que nous le reconnaissions ou non.

Je ne dis pas que nos gouvernants ont truqué les chiffres de notre budget comme l'ont fait les dirigeants grecs. Je ne dis pas non plus que cette tricherie que l'on reproche à Athènes n'est pas la cause directe de leurs difficultés actuelles. Certes, en affichant des chiffres meilleurs que la réalité, et en obtenant ainsi de l'Union Européenne et des banques une confiance imméritée et des largesses financières dont ils ne sont pas capables d'assumer la charge, ils ont créé les conditions de leur quasi faillite. Mais la cause véritable de cette banqueroute (j'emploie le mot à dessein) est ailleurs. Cette cause est systémique, et n'est malheureusement pas propre à la Grèce.

Et les développements de la crise grecque prévisibles dans un futur immédiat risquent bien de nous faire éclater la vérité au visage, même si nos dirigeants font tout pour nous la cacher, et pour "faire durer le plaisir" tant dans un but électoraliste (2012 oblige) que dans celui de conserver le plus longtemps possible un crédit que pourtant ils ne méritent plus depuis longtemps déjà...

Les difficultés économiques produisent, en Grèce comme partout, des difficultés sociales, encore aggravées par les mesures d'austérité qu'imposent les financeurs institutionnels pour accorder leur aide. C'est un véritable cercle vicieux : le déficit budgétaire et le coût exorbitant de son financement ralentissent l'économie, et influent donc très rapidement sur le pouvoir d'achat des citoyens, puis les aides internationales nécessaires sont conditionnées par des mesures de rigueur qui ralentissent encore un peu plus la machine, ce qui ampute un peu plus le pouvoir d'achat et qui crée un peu plus de nouveaux besoins de financement. Ajoutez à cela que plus la situation du pays est mauvaise, plus la confiance en ses capacités de remboursement diminue, et plus les taux d'intérêts augmentent, et donc plus la situation économique se dégrade, et donc plus l'austérité est nécessaire, et donc plus le pouvoir d'achat diminue, etc.. etc.. etc..

C'est la spirale infernale qui ne peut qu'entraîner des mouvements d'humeur de plus en plus importants, et des troubles sociaux de plus en plus graves. Les Grecs en sont là aujourd'hui. Ils refusent de continuer à voir leurs salaires, leurs retraites, et leurs diverses allocations, maigrir à vue d'oeil pour financer les déficits. C'est très exactement ce qui se passerait (ce qui se passera) en France dans les mêmes circonstances. Car les citoyens ne se sentent absolument pas responsables des déficits, de la dette, et encore moins de la situation désastreuse de l'économie.

Et pourtant...

Et pourtant, ces mêmes citoyens n'ont-ils pas, durant des décennies, non seulement accepté mais encore réclamé à cor et à cris, ces largesses dont leurs gouvernements successifs les ont arrosés à guichet ouvert ? N'ont-ils pas, durant des décennies, considéré que l'Etat devait subvenir à leurs besoins en toutes circonstances, payer pour leur santé, l'éducation de leurs enfants, pour reconstituer leur salaire perdu en cas de chômage ou de maladie, pour leur garantir une retraite ?

Et pourtant, n'ont-ils pas démissionné de leurs obligations naturelles en renvoyant sur l'Etat la charge de leurs responsabilités ? N'ont-ils pas trouvé tout à fait naturel que la collectivité, moyennant des taxes et des cotisations qu'ils trouvaient d'ailleurs toujours trop élevées, assume à leur place la charge des risques inhérents à la condition humaine ? Ne sont-ce pas ces mêmes citoyens qui ont construit, de revendications en crises sociales et en grèves à répétition, cet "Etat Providence" jamais assez généreux ?

Certes, ils ne sont pas les seuls responsables, et leurs dirigeants politiques ont, pendant des décennies eux aussi, eu la lâcheté de céder par démagogie, quand ce n'étaient pas ces dirigeants eux-mêmes qui, par idéologie, suscitaient un laxisme débridé. Certes, il ne faut pas dire que les Grecs d'aujourd'hui paient seulement les erreurs de leurs aînés, pas plus qu'il ne faut dire que les Français de demain ne paieront que les erreurs des Français d'hier et d'aujourd'hui. Les citoyens ne sont pas les seuls responsables, et leurs dirigeants passés et présents le sont pour une large part. Mais en démocratie, on a les dirigeants que l'on mérite. Le bulletin de vote est l'arme absolue dont ni les Grecs ni les Français (ni bien d'autres encore) n'ont su se servir à bon escient, et la faillite dans laquelle se trouvent leurs états aujourd'hui en est la conséquence directe.

Car il s'agit bien d'une faillite, ou plus exactement comme je l'ai dit plus haut, d'une banqueroute. La différence, c'est l'intention. Une banqueroute est une faillite intentionnelle. Et c'est tout à fait le cas. Que les peuples n'aient pas compris assez vite qu'ils couraient à leur perte peut se comprendre. Que leurs dirigeants aient fait preuve d'autant d'aveuglement n'est pas imaginable, et c'est sciemment qu'ils ont laissé leurs pays s'enfoncer dans les déficits. D'où je dis qu'il y a là une forme de naufrage intentionnel.

Mais l'important est de savoir comment nous pouvons nous en sortir. Et c'est là que je dis que l'on va très vite se rendre à l'évidence. La Grèce aujourd'hui, l'Italie, le Portugal, l'Irlande, l'Espagne (les fameux "PIIGS"), demain sans doute la France et quelques autres, ne s'en sortiront pas ! Le FMI, la Banque Mondiale, la Chine, que sais-je, n'y suffiront pas, et surtout refuseront d'investir à fonds perdus, je le prédis, dans des économies minées et vouées à la catastrophe. Le mal est trop profond. Les capacités de remboursement sont trop insuffisantes.

Les solutions ? Certains économistes vous diront que l'une d'elles consiste à faire de l'inflation. C'est déjà commencé, puisqu'on a autorisé, timidement pour l'instant, la Banque Centrale Européenne à racheter des "dettes souveraines", comme on les appelle. Qu'est-ce que ça signifie ? Ca signifie tout simplement qu'on imprime de la "monnaie de singe", ou si vous préférez de la fausse monnaie, pour payer les dettes ! La BCE va créer des euros qui ne reposent sur rien, sur aucune richesse produite, pour payer les créanciers des pays de la zone euro...

Mais même cette solution scélérate n'en est pas une ! Rappelons-nous la République de Weimar. Rappelons-nous ce qu'était devenu le mark allemand juste avant la deuxième guerre mondiale. Et rappelons-nous, d'ailleurs, que c'est justement cette inflation monstrueuse qui a été l'une des causes de la catastrophe. L'hyper-inflation, ça résout les problèmes de liquidité à très court terme. Mais très rapidement, non seulement les créanciers mais les clients (les autres pays, qui nous achètent nos produits) n'ont plus aucune confiance dans notre monnaie, et pour faire face il faut aggraver encore et encore l'inflation. C'est un cercle vicieux, qui mène inéluctablement à la faillite qu'on n'a eu que l'impression d'éviter un temps.

C'est bien pour ça que l'Allemagne, qui pour diverses raisons est dans une situation moins désastreuse que nous, rechigne à engager la BCE dans cette voie. Car au final, c'est l'Allemagne qui risque d'être le dindon de la farce, en subissant sans raison la dépréciation de la monnaie commune.

Et les conséquences de cette faillite probable sur les citoyens seront incommensurables. Ce que les Grecs dénoncent aujourd'hui n'est qu'un pâle aperçu de ce qu'ils devront subir quand l'Etat se trouvera en cessation de paiement. Et j'ai bien dit que la France ne vaut guère mieux. Il faut nous y préparer aussi...

Cet Etat Providence, qui nous a conduits à ces extrémités, va donc s'écrouler de lui-même, et c'est peut-être le seul aspect positif de l'affaire. Car ensuite, ceux qui rebâtiront sur nos ruines ne referont évidemment pas les mêmes erreurs, et le Phénix qui renaîtra de nos cendres a toutes les chances d'être assez prévenu pour laisser à l'individu la responsabilité de ses actes, pour ne pas dépenser sans compter des liquidités qui n'existent pas, et pour ne pas céder aux sirènes d'une collectivisation propre à cacher aux citoyens la réalité de ce qui est possible et de ce qui ne l'est pas...

Quand c'est l'Etat qui paie, c'est nous qui payons. Maintenant ou plus tard. Nos successeurs le sauront. A quelque chose malheur est bon...

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