Je poursuis aujourd'hui sur le registre de plusieurs de mes derniers billets en date, en posant la dernière question de cette suite d'études. En effet, une fois traité l'important sujet de ce jour, j'en aurai terminé avec les grandes lignes fondamentales d'un projet que j'aimerais bien voir défendu dans la sphère politique, même si je ne me fais aucune illusion, et si je n'ai pas la moindre chance de voir ce voeu exhaucé à court ou moyen terme.
Mais s'il fallait être sûr d'être entendu pour dire ce à quoi l'on croit, beaucoup des grandes voix de l'Histoire ne seraient jamais parvenues jusqu'à nous. C'est donc sans complexe que je détaille ici mes opinions.
Pour en revenir à l'éducation, on remarquera que, d'une part, je n'ai pas mis dans mon titre de majuscule à ce mot, et que d'autre part je n'y ai pas adjoint le mot "nationale". Cette manière d'écrire a deux significations importantes : d'une part l'éducation n'a pas à être sacralisée comme on le fait à longueur de temps et sans aucune espèce de raison valable (elle n'est qu'un devoir parental banalement naturel), et d'autre part cette même éducation, une fois réformée, n'aurait à mon sens plus aucune légitimité à demeurer "nationale"...
Comme il est toujours préférable, avant toute dissertation, de "dresser le décor" en brossant le tableau du paysage dans lequel va s'inscrire le sujet traité, je vais essayer de le faire maintenant en posant la question dont la réponse va éclairer mon propos futur : "qu'est ce que l'éducation" ?
Cette question peut, peut-être, en faire sourire certains, mais elle est plus complexe qu'il n'y paraît. En effet, savoir ce qu'on entend par "éduquer" n'est pas anodin, et la conception que l'on en a est possiblement lourde de conséquence.
Eduquer, dirait monsieur de La Palice, c'est dispenser l'éducation. Soit. Mais si on s'en tient à cette définition, l'enseignement des tables de multiplications à nos chères têtes blondes fait-elle partie, à propprement parler, de l'éducation ? Sans doute pas, car au même titre que l'orthographe ou, beaucoup plus tard les sciences physiques, l'arithmétique relève de l'instruction et non de l'éducation.
"Instruire" et "éduquer" sont deux notions bien distinctes, et sans grand rapport entre elles. Au 19ème siècle et pendant une partie du 20ème, l'organisme d'état créé conformément aux principes de Jules Ferry s'appelait "l'instruction publique". C'était à mon sens beaucoup plus conforme à son rôle que cette "éducation nationale" qui ne dispense plus aujourd'hui de manière satisfaisante, ni l'éducation contenue dans son nom ni l'instruction qui est son véritable objet...
Instruire, c'est transmettre la connaisance. Et c'est le rôle de l'école. Eduquer, c'est transmettre des valeurs, et c'est le rôle des parents. De même que les parents n'ont rien à faire à l'école, l'école n'a rien à faire dans la sphère parentale.
Je sais bien qu'il y a déjà bon nombre de mes lecteurs qui s'inscrivent en faux contre mes propos, mais peu importe. Ce n'est pas parce que l'école, je veux dire les enseignants mais aussi l'institution scolaire, se sont arrogés des droits, après les éducateurs religieux qui les ont précédés, de directeurs de conscience, et ce n'est pas parce que nombre de parents se prélassent dans la facilité qui consiste à se défosser des devoirs qui sont les leurs entre les mains de ces mêmes enseignants, qu'il convient d'entériner un tel principe et de s'en contenter.
Car la chose est d'importance : si l'instruction consiste à transmettre un savoir qui par nature est objectif, l'éducation consiste, je l'ai dit, à transmettre des valeurs, lesquelles sont au contraire parfaitement subjectives. Laisser ce soin à l'école consiste pour le parent à s'en remettre à la perception subjective de l'enseignant, ce qui revient à renoncer à transmettre à sa descendance ses propres valeurs. Non seulement il s'agit là d'une abdication d'un droit légitime, mais encore d'une désertion face à une obligation. Car être parent, c'est être responsable du comportement présent et futur de ses enfants. C'est naturellement le rôle des parents d'influencer ce comportement, et surtout pas d'un tiers, fût-il enseignant.
Corollairement, laisser la charge de l'éducation aux enseignants, c'est leur donner le pouvoir de transmettre à leurs élèves leurs propres valeurs, en lieu et place de celles des parents, et possiblement à l'opposé de celles-ci. De plus, donner le pouvoir à l'enseignant, c'est donner le pouvoir à l'institution. Cette institution étant sous le contrôle de l'état, c'est donc de facto donner ce même pouvoir à l'état. Et un état qui s'arroge le pouvoir d'inculquer ses valeurs, ça s'appelle une dictature. Quand je vous disais que la chose était d'importance !...
Voilà pour l'éducation. De ce côté-là, la réforme est a priori assez facile à mettre en oeuvre, à ceci près que les syndicats d'enseignants vont ête vent de bout contre. Mais on a l'habitude : tout ce qui change les défrise. Il faut dire que quand on veut changer quelque chose, on en vient nécessairement à écorner leurs privilèges, et donc ça hurle et ça chahute. Normal. Il faut simplement que le ministre ne soit pas trop couard. Mais ça, c'est un autre problème.
J'en viens au plus important, à savoir ce qui est le coeur du sujet, c'est à dire l'instruction.
Transmettre le savoir est, ou devrait être, le plus beau métier du monde. C'est en tout cas un adage, même si la réalité tend visiblement à devenir quelque peu différente dans les collèges et dans les lycées, et même semble-t-il au-delà. C'est que l'éducation, justement, étant ce qu'elle est devenue, le climat "social" à l'intérieur des établissements s'est considérablement dégradé. Je ne vais pas dresser le tableau de la gabegie qui règne dans certains "bahuts", d'autres le font mieux que moi. Je ne vais pas non plus me lancer dans l'étude des raisons de ces désordres. D'une part elles font polémique et d'autre part ce serait quelque peu stérile. Mieux vaut se pencher directement sur les solutions. Le temps presse...
Posons d'abord un principe clair : l'école n'est pas un lieu de contestation, l'école ne doit pas être un lieu de désordre, les éléments qui tenteraient d'y instaurer ce désordre doivent tout bonnement en être exclus, et leurs parents, à qui la responsabilité de l'éducation incombe, sanctionnés.
Ensuite, l'école n'a pas à être un gouffre financier pour les deniers publics. Il est communément admis que l'instruction soit un service public accessible à tous. C'est non seulement admis mais encore logique. Le savoir est la clef du développement, tant le développement individuel de chaque citoyen que le développement collectif de la Nation France. Le principe énoncé par Jules Ferry, dont je parlais plus haut, reste donc légitime aujourd'hui : l'école de la République doit être laïque (pour être libre de tout endoctrinement religieux), gratuite (pour être accessible à tous) et obligatoire (pour ne laisser personne au bord du chemin du savoir). Mais pour autant, cette obligation à la charge de l'état comporte sa contrepartie : l'obligation pour l'élève-citoyen de participer à sa propre formation.
Concrètement, cela signifie que les parents, ou l'étudiant majeur, ont le devoir de s'impliquer dans le processus. L'état, c'est à dire le contribuable, ne peut pas être tenu de supporter en pure perte le coût d'un service dont le bénéficiaire ne ferait aucun effort pour en recevoir les bienfaits. L'exclusion réelle (sans recherche d'un établissement de substitution) doit cesser d'être tabou.
L'institution actuelle de l'Education Nationale, de par son importance volumique et son caractère administratif tentaculaire, pour ne pas parler de l'esprit corporatiste qui l'anime, est devenu un monstre ingouvernable, et un gouffre financier. Il convient de la faire éclater purement et simplement, et de la remplacer par des structures à taille humaine, indépendantes et concurrentes entre elles. C'est le seul moyen qui permettra de redonner à l'enseignant son vrai rôle d'enseignant, en le délestant du poids de son appartenance à une corporation O combien paralysante.
Parallèlement, le libre choix de l'établissement et du projet éducatif doit être rendu aux parents d'élèves, comme aux étudiants majeurs dans l'enseignement supérieur. Pour y parvenir, il faut des établissements totalement indépendants, libres de leur projet éducatif (avec bien entendu un socle minimum commun fixé au plan national), libres du choix des enseignants, qui rémunèrent eux-mêmes les dits enseignants, et entre lesquels les parents et les étudiants puissent faire leur choix en fonction de critères de qualité. Un maillage d'établissements scolaires où la concurrence, comme ailleurs dans la société, serait le gage de la qualité.
Pour financer le fonctionnement d'un tel dispositif, puisque l'enseignement, je l'ai dit, doit rester "gratuit" (relativement, puisque c'est l'impôt qui finance...), le système le plus simple serait celui du chèque-éducation, mis en oeuvre déjà dans quelques pays, et qui permet souplesse et liberté.
Voilà les grandes lignes d'un projet éducatif qui, je le pense, résoudrait un grand nombre des problèmes actuels, redonnerait au citoyen, dans ce domaine, un degré de liberté qu'il n'aurait jamais dû perdre, et un principe de responsabilité dont on n'aurait jamais dû l'affranchir.
C'est peut-être ce dernier point qui demanderait le plus de courage au pouvoir politique qui oserait s'y atteler. Avec, aussi, la fronde de nos amis les enseignants, bien entendu...
Les Anciens avaient inventé la Démocratie
Les Modernes y ont ajouté la Liberté
Nous sommes responsables des deux...
Affirmons nos libertés !
lundi 29 mars 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Ben voila, je suis fouloniste en matière d'éducation ! René j'en profite pour te rappeler que Lomig et moi-même avons lancé une chaîne pour aujourd'hui.
RépondreSupprimer