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mardi 29 décembre 2009

Etat providence et égalité des chances

Nous avons eu le 9 décembre, à Lille, notre septième édition de la République des Blogs. Cette réunion mensuelle régionale, que je tente de relancer depuis janvier 2009 avec, entre autres, l'aide d'Aymeric et du Chafouin, concerne essentiellement les blogueurs à vocation politique du Nord-Pas de Calais.

Cette belle région, que j'ai adoptée (et réciproquement) depuis 2004, a, comme l'on dit, "le coeur à gauche", ce qui me permet chaque mois de dialoguer et d'échanger avec, donc, une majorité d'interlocuteurs dont le libéralisme n'est pas le trait dominant de leurs convictions, loin s'en faut. Au point qu'Aymeric et moi faisons chaque fois figure d'exception dans cette micro-blogosphère locale...

Entre gens intelligents et à l'esprit ouvert, ça ne pose généralement pas de gros problèmes, et je n'ai aucun souvenir d'une quelconque animosité autour de notre table, même si les participants manifestent quelquefois leurs différences avec force véhémence. Au contraire, de la confrontation d'idées opposées naissent quelquefois des remises en question qui ne manquent pas d'intérêt.

Et c'est de l'un de ces échanges que m'est venue la réflexion que je voudrais livrer ici aujourd'hui.

J'avais lancé une réplique un peu acerbe, comme celles qui me viennent assez souvent de manière spontanée quand un sujet qui me tient à coeur vient à être évoqué, et Marc Prévost a repris la balle au bond, du ton calme et appaisé qu'il affectionne, pour m'expliquer que l'idée de l'Etat Providence était née, me disait-il, du fait que beaucoup de nécessiteux de l'entre-deux guerres n'avaient versé dans l'extrémisme qu'en réaction à leur pauvreté. Et cet Etat Providence aurait donc été la solution qui aurait été trouvée pour éviter que cela ne se reproduise. Schématiquement, on aurait bâti une société d'assistés pour se prémunir d'une société d'extrémistes. C'est en tout cas comme ça que j'ai interprêté le propos de Marc.

Sur le moment, j'ai continué à défendre ma vision libérale de la société sans plus m'appesantir sur l'idée qu'il avait ainsi avancée, mais sans le savoir et sans que je m'en sois rendu compte immédiatement, il avait fait mouche... Et depuis ce soir-là, ses propos me sont souvent revenus en mémoire et ont provoqué en moi une intense réflexion.

Cette vision des choses, telle qu'il me l'avait présentée, je ne l'ai jamais rencontrée dans aucun livre d'histoire, ni aucun traité de sociologie ou d'économie politique, mais je dois bien admettre que l'hypothèse en est crédible, et plutôt que de chercher à la réfuter ou à l'accréditer, il m'a semblé plus intéressant d'en analyser le fondement et les conséquences.

Parallèlement, j'ai lu chez Lomig, puis chez Criticus qui l'a commenté, deux articles sur l'égalité des chances qui sont venus alimenter ma réflexion. Au prime abord, on peut sans doute se demander quel rapport il y a entre les deux notions. Je vais essayer de l'expliquer.

Et si on me le permet je vais, une fois n'est pas coutume, commencer par la fin. Cette notion d'égalité des chances, si généreuse soit-elle, est tout bonnement une hérésie. Tout comme l'est la notion d'égalité tout court : les hommes naissent libres et égaux en droits spécifie l'article premier de la Déclaration des Droits de l'Homme, mais il ne faut surtout pas escamoter les deux derniers mots de cette sentence, au risque de proférer une ineptie.

L'idée d'une égalité de tous les hommes sur cette terre est un sophisme. Aucun système, aucune réglementation, aucun montage économique, ne seront jamais capables d'organiser cette égalité-là, tant les individus sont différents par nature, avant même d'être différents socialement. Il vient au monde à chaque instant des imbéciles et des génies, des beaux et des laids, des riches et des pauvres, autant d'individus aussi respectables les uns que les autres a priori, mais qui, par nature je le répète, ne sont et ne peuvent pas être strictement égaux, quels que soient les lois ou les montages systémiques que l'on imagine pour les y faire parvenir.

L'égalité, celle qui est au fronton de nos édifices républicains, est donc bien une égalité de droits et surtout pas une égalité de fait parfaitement utopique. Il est donc tout à fait superfétatoire de prétendre que la société devrait être conçue de manière à respecter une égalité des citoyens qui ne peut pas exister.

Quid de l'égalité des chances, maintenant ? Eh bien cette idée n'est pas moins captieuse que la première. Si vous prenez deux individus différents (et ils le sont par nature), avec donc des atouts inégaux, et donc des chances inégales de parvenir à leurs buts, et que vous décidez a priori qu'ils doivent in fine avoir des chances identiques de réussite, cela signifie comme une lapalissade que vous allez gommer leurs différences, et donc ôter quelques atouts à l'un pour les donner à l'autre, favoriser artificiellement le moins doué en portant un préjudice certain à l'autre, surtout s'ils sont en concurrence. Or, la concurrence est l'expression même de la loi naturelle. Cette démarche a donc, par nature, une connotation totalitaire insupportable pour un démocrate.

Comme on le voit, que ce soit l'égalité stricte, ou même la seule égalité des chances, ces deux notions n'ont aucun sens en elles-mêmes, et conduisent à des comportements dictatoriaux quand on s'obstine malgré celà à les mettre en oeuvre.

Ce qu'il est important de garantir, par contre, c'est bien l'égalité de droits entre les citoyens, égalité de droits qui est justement bafouée par cet Etat Providence dont je commençais à parler plus haut.

Mais pour être précis, il faut commencer par définir ce que j'appelle ici Etat Providence. C'est ce magma informe d'aides redistributives instaurées depuis des décennies et qui conduisent à spolier les uns (réputés les plus riches et par conséquent les plus chanceux) pour distribuer aux autres (réputés les plus démunis et donc les plus malchanceux).

Premier défaut, les "chanceux" (prononcez aussi bien "priviligiés" ou bien "nantis") sont beaucoup moins nombreux que les autres (qu'on appelle les "pauvres" ou les "déshérérités", ou encore "les plus démunis"). Par conséquent, il faut prendre beaucoup aux premiers pour donner très peu aux seconds.

Deuxième défaut du système, on ne s'arrête pas à distribuer aux plus démunis cités plus haut, mais on "arrose" copieusement tous ceux dont la condition se situe en-dessous d'un seuil théorique que l'on fixe arbitrairement, et dont le niveau fluctue au fil du temps, toujours à la hausse. De ce fait, les bénéficiaires de ces allocations redistributives sont de plus en plus nombreux, et pour équilibrer le système c'est un nombre également de plus en plus important de citoyens qui sont mis à contribution, très loin d'être limité aux seuls nantis visés initialement. De fil en aiguille, en en arrive à un paradoxe où les bénéficiaires des aides sociales sont souvent mieux armés face à l'adversité que ceux qui les financent...

Troisième défaut enfin (ou plutôt c'est moi qui m'arrêterai là : il y en a bien d'autres), le principe même de cet Etat Providence induit dans la longueur un état d'esprit, un comportement, des habitudes, qui inhibent le moteur naturel du progrès humain, à savoir les notions de mérite, de fruit de l'effort, de responsabilité quant à son devenir. Je le disais en introduction, l'Etat Providence produit une société d'assistés, incompatible avec le progrès individuel et collectif. Car ce n'est que l'effort, le travail et la production de richesses qui peuvent permettre ce progrès. Si, au contraire, chacun s'attend à voir sa subsistance assurée par une entité supérieure (qu'on appellerait l'Etat), et même avant d'accuser qui que ce soit de paresse, c'est tout naturellement qu'il cesse de se considérer responsable de lui-même et que l'aide de la société devient indispensable dans tous les domaines, ce qui n'est tout simplement pas viable. L'assistanat est, par essence, un système qui mène droit à la faillite.

Quel plus bel exemple de tentative d'égalisation des chances de chacun, que cet imbroglio de prélèvements autoritaires sur les uns et de saupoudrage inutile sur les autres ? Et quel plus bel exemple de faillite, quand, malgré un déséquilibre financier abyssal, ce même système n'aboutit qu'à des inégalités aggravées, où même certains de ceux qui ont un emploi, et qui donc participent activement au financement bancal de l'édifice, se retrouvent à partager les trottoirs de l'infortune avec les plus démunis de ceux à qui ces aides sont destinées mais qui n'y trouvent même pas matière à vivre dignement ?

Etat Providence, Egalité des chances, deux concepts qui s'entrecroisent et qui se contredisent. La faillite imparable du premier conduit inévitablement à la négation du second.

En laissant intact à chacun le fruit de son effort, en n'essayant pas d'influer indûment et inutilement sur la liberté de chaque citoyen, en cessant de décider pour ses sujets de ce qui est bon pour eux, en cessant de les considérer comme des mineurs incapables de veiller par eux-mêmes à leur destin et à leurs intérêts, le nouveau Souverain qu'est devenu l'Etat Républicain, de moins en moins démocrate et de plus en plus dirigiste, serait mieux inspiré et remplirait mieux sa mission protectrice qu'en intervenant autoritairement dans tous les domaines où il n'a aucune légitimité.

En captant une part de plus en plus importante de la production de richesses, ce Souverain là ne fait qu'amenuiser les chances des plus faibles de trouver l'emploi qui leur revient dans le concert de l'économie. En prétendant les aider, il crée les conditions de leur infortune.

Quand par un soi-disant souci d'Egalité, on en vient à détruire la Liberté, comment espérer la  Fraternité ? Il ne suffit pas d'écrire une devise au fronton des Palais de la République pour qu'elle devienne réalité. Encore faut-il être capable de lui donner vie...

8 commentaires:

  1. La pseudo-« égalité des chances » est le prétexte pour les « élus », les fonctionnaires et leurs clientèles, de vivre aux crochets des autres. Le problème, c'est que le mâle blanc, catholique, hétérosexuel et imposable n'a pas encore compris qu'on faisait reposer tout ce système sur lui...

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  2. A nous de lui en faire prendre conscience. C'est pourquoi il ne faut pas baisser les bras...

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  3. "En captant une part de plus en plus importante de la production de richesses...", il freine tout simplement ladite production de richesses. La démonstration en a été apportée par tous les pays socialistes. Mais il est vrai que l'égalité des chances (jusqu'à même l'espérance de vie)y a approché des sommets, condamnant ainsi la quasi totalité de leurs populations à la misère.

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  4. L'égalité des chances, au plan économique, conduit par nature à un nivellement par le bas, et donc à un appauvrissement généralisé. Au plan purement politique, elle conduit par totalitarisme à paralyser l'action des mieux armés sans pour autant favoriser les autres. Au total, c'est un outil très performant de sclérose.

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  5. Les programmes dits "d'égalité des chances" proposent de donner plus de chances à ceux qui par nature ou culture en ont moins, mais pas de prendre les chances ou la place des plus favorisés : aider (hors quotas) c'est donenr plus de chances tout en laissnt place à l'effort individuel.

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  6. @ Florent

    "donner plus de chances à ceux qui par nature en ont moins" peut paraître une idée généreuse pour qui ne réfléchit pas vraiment, mais en fait elle est totalement inapplicable, sauf à pénaliser tout le monde en nivelant par le bas.

    "Prendre les chances ou la place des plus favorisés" est une illusion de bisounours, et une idée totalement démagogique qui ne mène nulle part.

    "donner plus de chances en laissant place à l'effort individuel" n'a pas de sens non plus : c'est justement l'effort individuel qui induit ce que vous appelez "les chances", et qui n'est que le fruit de cet effort.

    Le rôle de l'Etat, ce n'est pas de fausser les équilibres naturels, mais juste de garantir l'égalité en droits.

    La vie n'est pas un jeu. Ce n'est pas une affaire de chance, mais une affaire d'effort et de comportement responsable.

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  7. @ Florent

    « mais pas de prendre les chances ou la place des plus favorisés »

    Et comment s'y prendraient-ils, lorsque les places sont limitées ? Toute personne qui bénéficie d'une mesure de discrimination « positive » (pour elle) en bénéficie au détriment d'une autre...

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