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jeudi 24 février 2011

Faudra-t-il détruire Carthage ?

Le monde arabo-musulman bouge ! C'est le moins qu'on puisse dire.

Les premiers mouvements de foule ont eu lieu en Tunisie, où le président Ben Ali a été poussé à la démission et à l'exil en quelques jours seulement. L'Egypte a suivi, avec le départ forcé lui-aussi du Président Moubarak. Au total, des troubles ont lieu dans une dizaine de pays du Magrheb et du Moyen Orient, comme le Yemen, l'Algérie, le Maroc ou même l'Arabie Saoudite.

Personne ne s'attendait à cela, et ils ont belle allure ceux qui reprochent aujourd'hui à nos dirigeants occidentaux, et français en particulier, de n'avoir rien vu venir. Ils ont belle allure après-coup, comme c'est à chaque fois beaucoup plus facile, nos socialistes par exemple qui reprochent vertement à la diplomatie française d'avoir été trop "molle", alors qu'ils n'ont bougé eux-mêmes que trois jours après l'exil de Ben Ali, en excluant son parti de l'Internationale Socialiste ! Mais passons, il ne s'agit là que de rhétorique politicienne, et d'opportunisme de bon aloi dans le concert de politique intérieure, plus que d'une quelconque conscience diplomatique.

En marge des blablas et des récupérations politiciennes, seules deux séries de questions sont pertinentes : les causes, pour tenter si c'est possible de prévenir une extension des troubles et ses conséquences macro-économiques (cette région du globe recèle plus de la moitié des réserves mondiales de pétrole), et les conséquences en terme de bouleversements politiques à venir.

Au chapitre des causes, on entend à l'envi nos amis journaleux de tous bords s'enchanter de ce que les peuples des pays musulmans auraient une soif inextinguible de liberté, et que leurs révolutions auraient pour but d'obtenir l'abolition des régimes dictatoriaux en place et leur remplacement par des système démocratiques. Alléluia !...

La réalité est plus prosaïque à mon sens, et les motivations des peuples arabes sont de nature à moins bien augurer de la suite des évènements.

Les régimes politiques de ces pays sont pour la plupart, en effet, des dictatures qui, vues d'ici, nous apparaissent volontiers comme haïssables, même si par commodité l'Occident tout entier s'en est lâchement accomodé pendant des décennies. Nos intérêts géostratégiques et économiques (pétrole oblige) nous ont poussés à accepter sans sourciller de traiter avec des monarchies ou des dictatures (civiles ou religieuses) directement issues de la décolonisation et de la manière dont nous avons mené celle-ci. Je prétends que l'Occident est au moins en partie responsable de l'instauration des régimes politiques en place dans cette région du monde, régimes contre lesquels nous n'avons jamais lutté de peur de voir nos propres intérêts mis en danger. C'est ce qu'on peut appeler de la "real politique". C'est surtout de la lâcheté, mais il est un peu tard pour le dire...

Mais la démocratie s'accomode mal de l'islam en tant que culture civilisationnelle, et je crois sincèrement que les Musulmans, eu égard au Coran et la Loi Divine qu'il prêche (la Charia), ne sont pas prêts spontanément et naturellement à se battre pour cette démocratie que nous-autres Occidentaux avons élevé au rang de principe incontournable. Ce n'est donc à mon avis nullement pour obtenir plus de démocratie, ni même peut-être plus de liberté, qu'ils sont descendus dans la rue.

La véritable raison, en tout cas l'élément déclencheur, c'est bien plutôt selon moi les conditions matérielles et économiques qui se sont détériorées de manière importante dans les deux dernières années, essentiellement en ce qui concerne le prix des denrées alimentaires. Et dans des pays où l'or noir devrait logiquement assurer la prospérité, les populations supportent d'autant moins leurs conditions économiques pitoyables. Ensuite, le fait d'être dans un pays totalitaire où le dirigeant est, lui, richissime, augmente encore la motivation de révolte. Ce fut d'abord le cas en Tunisie, et le reste de la région s'embrase maintenant par "contagion".

Même le Maroc et l'Arabie Saoudite, dont j'ai cru un moment qu'ils seraient à l'abri pour des raisons religieuses (l'Arabie est toute entière une mosquée, et le roi du Maroc a le titre de Commandeur des Croyants), sont touchés par des troubles qui, de mon avis, ont vocation à croître et empirer au rythme des autres pays musulmans.

Maintenant qu'un tel incendie a démarré, à l'échelle de toute la Méditerrannée du Sud, il n'est pas sur Terre de pompier suffisamment puissant et suffisamment outillé pour y mettre fin.

A ce stade, je veux dire ce que je pense de ce qui se passe aujourd'hui en Libye. Non content d'avoir été durant des décennies un dictateur implacable avec des conséquences insupportables pour son peuple, Kadhafi se comporte aujourd'hui comme un fou sanguinaire.

"On ne peut pas diriger un pays en laissant tout faire", ai-je entendu dire. Qu'il fasse la police pour stopper les exactions des manifestants serait une chose. Qu'il réprime la révolte (et pas seulement les crimes et les saccages) à l'arme lourde, en tuant des centaines (peut-être des milliers) de citoyens, en est une autre. Il est inacceptable de massacrer les citoyens dans le seul but de se maintenir au pouvoir. Et c'est ce que fait Kadhafi... Il me parait indispensable, pour sa simple crédibilité, que cette "communauté internationale" dont on se gargarise à l'envi prenne enfin les mesures de rétorsion concrètes qui s'impose. Une interdiction de l'espace aérien libyen par exemple, contrôlée militairement par l'ONU, interdirait au moins au maître de Tripoli des tirs aériens sur sa population. Et d'autre part, on a institué ailleurs et en d'autres temps des embargos pour moins que ça. Qu'attend-on ?...

J'en arrive aux conséquences probables de ces émeutes.

Il y a trois scénarios possibles, et ceci dans chacun des états concernés.

- Soit l'instauration d'un régime démocratique. Solution la plus souhaitable évidemment, c'est aussi selon moi la moins crédible. Comme je l'ai dit plus haut, la religion musulmane, et surtout le modèle socio-politique découlant de la loi coranique, s'accomode mal des libertés individuelles.

- Soit le maintien d'un système dictatorial, différent du précédent mais tout aussi autoritaire. Hypothèse malheureusement crédible compte tenu de l'intérêt économique monstrueux que représente la mâne pétrolière, et la difficulté évidente de trouver dans la population les compétences susceptibles de la gérer démocratiquement et équitablement.

- Soit enfin l'instauration d'un pouvoir religieux. J'ai lu à plusieurs reprises que certains redoutaient un scénario à l'iranienne. L'histoire ne se répète jamais. Gageons que l'hypothèse d'une telle éventualité ne laisserait pas d'être pire encore qu'à Téhéran. Les ayatollahs sauront ne pas refaire les mêmes erreurs, et museler plus efficacement encore toute velléité de sursaut du peuple...

C'est le scénario le plus noir mais à mes yeux le plus à redouter, car malheureusement le plus crédible compte tenu de la culture et de la civilisation dans cette région du monde. Tout comme le christianisme jusque dans le haut Moyen Age, l'islam ne s'est pas encore affranchie des préceptes les plus obscurantistes de son livre sacré, et ses adeptes sont des proies aussi faciles pour les intégristes musulmans que l'étaient les Chrétiens pour les inquisiteurs d'alors.

Je ne suis pas le seul à le redouter.

Si tel est le cas, et si mes craintes s'avèrent, le monde aura fait un saut monstrueux en arrière, et il se trouvera sans doute alors quelqu'un pour s'écrier Delenda Carthago. Qu'à Dieu ne plaise, mais c'est plus que probable...

Dans tous les cas de figure, une chose est certaine : l'Europe va être inéluctablement le théâtre d'une immigration sauvage, licite ou illicite, due au fait qu'avant toute stabilisation politique de leurs pays, ces hommes et ces femmes fuiront à n'en pas douter à la fois leurs conditions de vie et les troubles qui s'y développent, en direction de ce qui leur apparait comme un El Dorado, même si nous savons bien, nous-autres, qu'il n'en est rien et que nous ne pouvons pas les accueillir.

Il est donc indispensable de s'y préparer, et d'ores et déjà de prévoir les moyens de leur reconduite à domicile. Mais en aurons-nous la volonté politique, ou bien une fois de plus accepterons-nous une colonisation que nous ne n'avons jamais été capables d'endiguer ? Je n'ose pas faire de prophétie en la matière, mais je suis bien pessimiste...

2 commentaires:

  1. Voila une analyse que j'aimerais voir ou entendre dans la bouche de nos élus (de nos représentants du peuple si vous préférez). Mais non.
    Il n'y a rien de plus urgent que d'attendre. Si on ne dit rien les évènements ne peuvent pas vous contredire.
    Juste aussi pour dire que si l'onu descend les avions libyen, ça s'appelle un acte de guerre et alors LA ....Khadafi pourrait devenir c.n.

    alain H

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  2. Oui... Mais ne rêvons pas, il n'y a aucun risque. Le "machin" ne bougera pas.

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