Les Anciens avaient inventé la Démocratie
Les Modernes y ont ajouté la Liberté
Nous sommes responsables des deux...

Affirmons nos libertés !

lundi 28 février 2011

Alain Finkielkraut et Marine Le Pen

Hier sur France 5, l'émission pas toujours excellente "C Polique" avait pour invité l'excellent Alain Finkielkraut, qui a pu répondre à peu près tranquillement, une fois n'est pas coutume, à un Nicolas Demorand plus respectueux qu'à son habitude de la liberté de parole de son interlocuteur...
Et ce matin sur France 2, "Les 4 Vérités" recevaient Marine Le Pen, sous le feu des questions d'un Roland Sicard qui, lui aussi, l'a laissée complaisamment exposer des points de vue que, semble-t-il, il souhaitait entendre...

Au-delà des comportements quelque peu inhabituels des deux journalistes, comportements qui ne sont pas l'objet de mon propos d'aujourd'hui, j'ai trouvé fort intéressant de croiser les deux interventions, d'autant que le philosophe a fait largement allusion à la présidente du FN.

Le sujet de C Politique était les bouleversements actuels dans le monde arabo-musulman. Si ç'avait été le seul aspect de la prestation d'Alain Finkielkraut, je ne me m'en serais sans doute pas fait l'écho ici, ayant suffisamment, je crois, évoqué le sujet dans mon dernier billet. Mais le philosophe ne s'est pas contenté d'évoquer les troubles actuels, et s'est assez longuement étendu sur le sujet connexe de l'immigration dans notre pays, et particulièrement de l'immigration maghrébine.

Il m'a semblé opportun de m'en faire l'écho, et de dire ce que je pense de ses prises de position, dans l'optique des évènements actuels bien sûr, mais également du débat annoncé par Nicolas Sarkozy sur l'islam en France, et sur les problèmes qu'il engendre.

Je note d'abord, pour m'en réjouir, que le philosophe, je ne dirai pas avec outrecuidence "est d'accord avec moi", mais simplement se pose la même question que moi, et évoque les mêmes hypothèses que moi, quant à la suite que l'histoire donnera aux soulèvements populaires dans le Maghreb et au Moyen Orient. Notamment a-t-il évoqué clairement le risque d'une islamisation radicale, notamment en Egypte avec Les Frères Musulmans, bien plus qu'une soif de démocratie à laquelle, manifestement, il ne croit pas beaucoup plus que moi. Mais j'arrête là de commenter ses propos sur les évènements actuels, et j'en viens à ce qu'il a dit de leurs conséquences prévisibles pour la France et l'Europe, à savoir d'une vague migratoire énorme dont il faut souhaiter (mais peut-on raisonnablement l'espérer ?) que nous serons capables de la gérer.

C'est que, justement, cette vague migratoire prévisible va venir s'ajouter à la présence déjà nombreuse de Musulmans sur notre territoire, et va donc mécaniquement accentuer encore les problèmes existants, problèmes dont il serait d'autant plus urgent de les regarder en face, plutôt que de détourner pudiquement (et hypocritement) les yeux comme le fait la bienpensence omniprésente et régnante...

Que dit Finkielkraut sur le sujet ? Voici un florilège de ses prises de position.

Premier point, qui n'a peut-être pour certains pas grand rapport avec le sujet, mais qui pourtant est en plein dedans, une critique acerbe de ce qu'il appelle le relativisme culturel à l'école. Un relativisme culturel dont il attribue avec une certaine justesse la paternité à la gauche politique (gauche politique dont il est lui-même issu), et qui consiste, pour ne pas "choquer" certaines "sensibilités", et on comprend tous de quelles "sensibilités" il s'agit, à ne pas aborder en cours certains sujets, dont pêle-mêle : les croisades, les droits de l'homme, l'égalité homme-femme, l'élevage du porc en Bretagne, la Shoah, j'en passe, et des meilleures... Mais aussi à faire manger de la viande hallal dans les cantines scolaires, à séparer les filles et les garçons dans les piscines, à ne faire examiner les filles que par des infirmières femmes, etc...

Ensuite, il nous ouvre les yeux (mais le voudra-t-on ?) sur la crise généralisée de l'intégration dans toute l'Europe, en France mais aussi en Angleterre, aux Pays Bas, en Allemagne. "Parce qu'une immigration familiale a succédé à une immigration de travail", à cause "d'une hostilité grandissante d'immigrés et d'enfants d'immigrés à l'égard de la culture d'accueil", "d'une espèce de séparatisme pratiqué par les populations autochtones qui quittent les quartiers, qui quittent les banlieues en raison de la violence et de l'insécurité", autant de raisons pour les gouvernements "de maîtriser les flux migratoires". Et d'ailleurs "on ne peut pas à la fois", dit-il avec bon sens, "soutenir ces révolutions et s'enthousiasmer de l'émigration". Ces pays "ont besoin de leurs jeunes, et de leurs meilleurs jeunes [...] pour construire leur liberté"...

Sur Marine Le Pen, à laquelle un reportage de l'émission était consacré, Alain Finkielkraut a une position admirable de clairvoyance, position que je partage à 100 %. "Elle est et restera", dit-il, "le troisième homme de l'élection présidentielle", "elle va marginaliser les candidatures centristes, et peut-être aussi la candidature écologique", "ça se jouera à trois", et "c'est très grave parce que si d'autres ont rompu explicitement avec le fascisme [...] Marine Le Pen a dit récemment qu'elle assumait la totalité de l'héritage du Front National. Voilà pourquoi elle doit être combattue durement". "Elle voit ce que nous voyons, et surtout on lui abandonne le peuple et une partie du peuple". "Il y a toute une frange de la population [...] dont la majorité des journalistes et des hommes politiques se désintéressent, comme si la France était composée simplement de bobos [...] et de jeunes de banlieue. Non, il y aussi ces gens qui souffrent et [...] qui ne brûlent rien. Et tout d'un coup, Marine Le Pen prend en compte leurs souffrances", "C'est très grave, et je souffre infiniment du fait que Marine Le Pen soit seule à le dire". Entre autres, "la défense de la laïcité s'impose. Il ne faudrait pas la lui abandonner".

Le débat sur l'islam en France : "Non, assez de débats ! Des initiatives ! Des mesures ! Et ne croyez pas, par exemple, que Marine Le Pen ait tiré bénéfice du débat sur l'identité nationale ! Elle a tiré bénéfice de la diabolisation de ce débat !". "Il y a en France une véritable crise identitaire. Nous sommes dans un pays où l'accusation de sale Français [...] fait florès. Beaucoup de Français le ressentent, et tout d'un coup on leur dit que l'identité nationale est en tant que telle malfamée [...] que l'identité française doit consister simplement à s'ouvrir à d'autres identités. [...] L'identité serait (parait-il) un concept d'extrême-droite..."

Encore autre chose : "Si vous êtes quelque chose, vous excluez quelqu'un. [...] Ne soyons plus rien de substantiel, et ouvrons-nous à tous. [...] Voilà une idéologie en vogue, et elle fait évidemment le jeu du FN. Il ne faut pas que l'identité française trouve refuge au FN".

Question : "Y a-t-il en France un problème entre l'islam et la laïcité ?"
Réponses : "Il y a un problème en Europe : en Angletere, aux Pays Bas, en Allemagne et en France. D'où la dénonciation simultanée du multiculturalisme. [...] Il y a en effet aujourd'hui de véritables difficultés d'intégration [...] qui doivent nous conduire à fixer clairement les règles du jeu". "La France n'est pas un pays catholique, mais elle a été un pays catholique. Et cette réalité doit s'imposer à tous les nouveaux arrivants". "Il y a un problème, me dites-vous ? Il y a en effet un problème quand l'origine n'a droit de cité que lorsqu'elle est étrangère, que toutes les marques identitaires sont les bienvenues, sauf quand il s'agit de l'identité nationale". "La France n'est pas une auberge espagnole, et ne doit l'être pour personne". "Si vous avez (dans un quartier, note de votre serviteur) 70% des jeunes qui sont d'origine subsaharienne ou maghrébine, l'intégration ne peut pas se faire". "Il est clair que les autochtones s'en vont; [...] pas parce qu'ils sont racistes; ils s'en vont en raison de la violence et de l'insécurité". "Ce déni de réalité qui sévit aujourd'hui est absolument catastrophique".

Quand j'entends de tels propos, venant d'un philosophe de la "pointure" d'Alain Finkielkraut, je ne peux que souscrire et me réjouir de ce que nous ne soyons pas seulement, comme on voudrait trop souvent nous le faire accroire, une poignée à penser de la sorte, dans notre petit coin... Je n'ai rien à ajouter ni à retrancher. Je persiste (parce que je l'ai déjà dit) et je signe.

Hasard de la programmation ou pas, c'était justement Marine Le Pen qui était ce matin l'invitée des "4 vérités" sur France 2. Le thème de sa présence dans les studios était le remaniement ministériel d'hier, mais c'est évidemment la résonnance de ses propos avec l'émission de France 5 qui m'a intéressé au premier chef.

Extraits :

"Les risques des flux migratoires, en provenance du Maghreb, [...] c'est LE sujet de préoccupation actuel des dirigeants des pays européens. Et le Président (dans son allocution d'hier, note de votre serviteur) ne fait que l'effleurer."

"La seule chose que propose l'Union Européenne, c'est de se partager les migrants qui arriveraient. Nous ne le pouvons pas. La responsabilité des dirigeants français, c'est de préserver la France de toute nouvelle immigration, au moment où celle-ci [...] n'a fait qu'augmenter". "Je sais qu'il est plus facile de dire que nous allons les accueillir, mais [...] nous n'arrivons même pas à donner à nos propres enfants une éducation digne de ce nom dans des écoles dignes de ce nom; nous n'arrivons même pas à soigner correctement nos propres compatriotes; nous n'arrivons même pas à les loger; et on va continuer à admettre l'idée que nous allons accueillir toute la misère du monde ? Ce n'est pas possible, et je crois que le courage c'est de le dire; le courage c'est de mettre en place un processus visant à, effectivement, préserver les intérêts de la France et des Français face à ces flux migratoires dont nous ne connaissons pas encore l'importance."

Voilà la petite partie de l'interview qui a retenu mon attention. Pour le reste, et comme à l'accoutumée, Marine Le Pen s'est répandue en contre-vérités et autres idioties, notamment sur "l'ultra libéralisme" dont elle taxe aussi bien Nicolas Sarkozy que Dominique Strauss-Kahn. Heureusement, elle n'a pas eu l'occasion d'aborder les questions économiques, ce qui lui a évité de se ridiculiser une fois de plus face à quiconque possède quelques notions en la matière...

Ceci pour dire que je ne prends pas les propos de Marine Le Pen comme paroles d'évangile, et loin s'en faut. Je suis de ceux qui sont convaincus que les thèses du Front National, pour l'essentiel, sont particulèrement nuisibles, et que sa présidente est d'autant plus dangereuse qu'elle a réussi à presque se débarrasser de l'image sulfureuse de son père.

Mais sur les questions de l'immigration, de l'identité nationale et de la laïcité, elle dit ce que la plupart des citoyens de ce pays ressentent, et elle est dans le paysage politique à peu près la seule à tenir un langage cohérent.

C'est en celà qu'Alain Finkielkraut a très certainement raison de dire que "si ça continue, oui, Marine Le Pen risque fort, non seulement d'être le troisième homme, mais un jour ou l'autre d'arriver au pouvoir".

Qu'à Dieu ne plaise. Cependant personne d'autre dans la sphère politique, à droite comme à gauche, ne semble avoir pris la mesure du danger, ni ne semble avoir une vue cohérente de ce que nous préparent nos errements soi-disant humanistes et tout simplement suicidaires.

9 commentaires:

  1. Finkielkraut est un intellectuel et il est pleinement dedans lorsqu'il veut combattre M Le Pen parce qu'elle dit assumer la totalité de l'héritage du Front national. Mais aucun dirigeant actuel ne renie l'histoire de son parti et dans cette veine, le PS actuel pourrait légitimement être combattu avec la même vigueur en raison de son adhésion à la section française de l'internationale communiste ! ou de son adhésion au colonialisme. Bref, dans la mesure où elle est en phase avec les problèmes actuels du peuple et qu'il est d'accord avec elle, il sera bien difficile de la combattre au nom des petites phrases de son père, au risque de suggérer que le passé compte davantage que les problèmes actuels, ce qui a peu de chance d'être entendu.

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Lolik,

    Je suis totalement d'accord avec toi pour dire que les partis d'inspiration marxiste ne sont pas forcément plus fréquentables que le FN. Le communisme a fait autant de dégâts, sinon plus, que le fascisme.

    Ce n'est pas une raison pour banaliser les positions du FN, ni l'éventualité de l'arrivée au pouvoir de Marine Le Pen.

    Reste qu'il sera bien difficile de la combattre, je te l'accorde. Je n'ai d'ailleurs pas dit le contraire.

    A bientôt.

    RépondreSupprimer
  3. Mais dites-moi, ce Monsieur Finkielkraut, c'est pas celui qui était pour la participation de la France à la guerre en Irak décidée par Bush ??????

    jf.

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour René,

    J'adhère totalement à votre analyse de la situation tout à fait pourrie dans laquelle nous nous trouvons... malheureusement, je ne vois personne qui puisse en l'état nous tirer de ce bourbier. Les hiérarques en place ont fait place nette et je ne crois pas à l'homme providentiel! Comme aucun n'est prêt, en outre, à prendre quelque risque que ce soit, nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers une crise de régime qui sera exacerbée par celle due à notre dette colossale...
    Quant à MRL, je ne vois pas comment elle pourrait gouverner si elle devait arriver au pouvoir car l'ensemble du système lui serait défavorable et s'ingénierait à la faire chuter - devenir président, c'est bien sympa mais sans majorité dans les 2 chambres, je ne vois pas très bien où cela peut mener sinon à une paralysie générale des institutions de la république.
    A l'horizon se profilent des années noires et agitées...

    RépondreSupprimer
  5. Entièrement d'accord avec vous, René Foulon. J'insisterai sur la dégénérescence scolaire qui annonce, comme le dit daredevil, "des années noires". Lâcheté des pouvoirs politiques qui n'osent les mesures attendues par le peuple: Autorité, autonomie, uniformes, dé-mixité, transmission etc...Bref, le contraire du jeunisme, l'amour de nos enfants.

    RépondreSupprimer
  6. non pas "anonyme", mais daniel Faivre.

    RépondreSupprimer
  7. Bonjour,

    J’ ai beaucoup apprécié le commentaire de Lolik que j’ interprète autrement que vous René. ( « les partis d'inspiration marxiste ne sont pas forcément plus fréquentables que le FN « .

    Il me semble que son commentaire soulève à mon sens le problème suivant.

    Un parti politique n’ est pas quelque chose de fixe.Il peut être comparé à un homme. Or le propre de l’ être humain est de changer en continue.Du berceau au tombeau nous ne cessons de changer tout le temps et nous ne cessons d’assister à la naissance et à la mort de nos moi successifs. Le PS est passé historiquement par différents "moi successifs" de même que le FN.

    "Au risque de suggérer que le passé compte davantage que les problèmes actuels" on doit juger d’ un parti politique sur son présent( programme, déclarations,alliances ).

    RépondreSupprimer
  8. "Il y a un problème en Europe : en Angletere, aux Pays Bas, en Allemagne et en France. D'où la dénonciation simultanée du multiculturalisme. [...] Il y a en effet aujourd'hui de véritables difficultés d'intégration".
    Le problème ne se limite pas aux pays cités ci-dessus. La Norvège, la Suède et même la Finlande sont confrontés à cet échec de l'intégration. Et l'on voit propspérer dans ces pays des idées qui ne sont manifestement pas inspirées par la famille Le Pen.
    Ce qui est surprenant, c'est de constater à peu près partout le même déni de réalités qui crèvent les yeux, sauf ceux des autruches ....

    RépondreSupprimer
  9. Sur le FN :

    Même si je me limitais à examiner ses propositions actuelles, je le trouverais dangereux...

    Sur le multiculturalisme :

    Tout à fait d'accord. Il a échoué partout, on s'en rend compte presque partout, et ce n'est pas l'apanage du FN de le constater...

    RépondreSupprimer