Les Anciens avaient inventé la Démocratie
Les Modernes y ont ajouté la Liberté
Nous sommes responsables des deux...

Affirmons nos libertés !

samedi 5 novembre 2011

Dêmos Kratos

"La démocratie, c'est le gouvernement du peuple par (et pour) le peuple". "La démocratie, c'est le contraire de la dictature". Cette image de la démocratie, c'est celle qu'on nous a vendue depuis 1789, que même Napoléon, l'ignoble despote que certains nous décrivent, mais en réalité le premier Européen moderne, que même Napoléon donc a vendue au reste du continent, voire au-delà...

La démocratie, dans la tête des gens, c'est la liberté, le bien-être, autrement dit le bonheur...

Mais cette image idyllique n'est qu'une image. La démocratie, c'est avant tout un système politique qui privilégie ce que pensent et ce que veulent les citoyens par rapport à ce que pensent et ce que croient bon leurs dirigeants ; bon pour le pays et donc pour les citoyens eux-mêmes. Et ce n'est pas forcément la même chose...

A l'issue de la deuxième guerre mondiale, quelques visionnaires ont imaginé une construction politique à l'échelle du continent européen de nature, pensaient-ils, à faire taire les antagonismes meurtriers vieux de plusieurs siècles, à ramener la paix et donc la prospérité. Ils s'appelaient Jean Monnet, Robert Schumann, Conrad Adenauer, Alcide de Gasperi... Ils ont réussi ... partiellement !

Si leur idée, qui a accouché péniblement en plusieurs décennies de ce que nous appelons aujourd'hui l'Union Européenne, a bel et bien assuré la paix sur le vieux continent, et même dans tout l'Occident, force est de constater que le satisfecit est beaucoup moins évident s'agissant de la prospérité des peuples. Même s'il est absolument indéniable que, globalement, le niveau de vie des Européens du 21ème siècle est sans commune mesure avec celui de leurs aînés. Mais personne ne peut dire ce que serait ce niveau de vie sans les institutions communautaires, ni même il faut bien le dire dans une Europe non démocratique comme celle à laquelle on pouvait malheureusement s'attendre en restant sur le statu quo de l'armistice de 1945...

C'est que démocratie ne signifie pas automatiquement prospérité !

En outre, la construction progressive de l'Union Européenne ne s'est pas faite de manière démocratique, c'est le moins qu'on puisse dire. Et même, lorsque les dirigeants européens ont voulu impliquer leurs peuples dans l'élaboration d'une Europe politiquement unie, ils ont essuyé un refus et le processus a été bloqué pendant de longs mois... L'Union Européenne ne doit sa survie, et ce qu'elle est aujourd'hui, qu'à ce que certains ont taxé sans qu'on puisse décemment leur jeter la pierre de "déni de démocratie", puisque le traité de Lisbonne, entériné après le "non" au référendum sur le projet de traité constitutionnel, a repris la plupart des dispositions de de ce même projet ! Les dirigeants ont donc signé un traité dont les aspects les plus importants avaient été rejetés par les peuples de deux des pays membres. Ces deux pays-là (la France et les Pays Bas) ne représentent pas, et de loin, la majorité des citoyens d'Europe, mais c'est là une bien maigre consolation pour les inconditionnels de la démocratie...

Mais j'ai déjà pris position sur le sujet : la construction d'une entité démocratique ne doit pas nécessairement s'élaborer de manière démocratique ! Si on avait fait un référendum en 1945 pour demander si on devait créer la CECA (l'embryon originel de notre Union actuelle), il y a fort à parier que le "non" l'aurait emporté largement, tant les antagonismes patriotiques étaient exacerbés par trois conflits armés majeurs en moins d'un siècle. C'est pourtant cela qui nous a garanti la paix pendant plus de 60 ans...

Comprenons-nous bien : je suis viscéralement un indécrotable démocrate. Mais je ne suis pas un rêveur, et je sais parfaitement que le peuple, tout souverain qu'il est, n'a pas la science infuse, et n'est pas automatiquement capable de prendre les bonnes décisions. C'est toute la raison d'être de la démocratie représentative, et tout le fondement de mon opposition à toute forme de démocratie directe au long cours. Le peuple élit pour une durée déterminée ses représentants, et ces représentants gouvernent en son nom pendant toute la durée de leur mandat, sans que leurs prérogatives ne puissent être remises en cause. Sauf en cas de manquement particulièrement grave à leurs obligations ou à l'honnêteté, mais ces cas et ces manquements devant être explicitement prévus par la Loi fondamentale. C'est ce qui garantit que la politique menée ne soit pas soumise à des soubressauts et à des revirements inopinés au gré des humeurs de chacun. La bonne gestion du pays, et la défense opiniâtre des intérêts des citoyens, a besoin de constance et de sérénité. Cela exclue que les citoyens puissent intervenir directement à tout moment dans la gestion des affaires pour en changer le cours au gré de leurs intérêts immédiats ou de leurs humeurs. C'est en ce sens également que je fustige les "marches à reculons" de nos dirigeants au moindre mouvement de rue ou au moindre sondage défavorable. Certains appellent ça la démocratie participative. J'appelle ça un désordre institutionnel. Et c'est tout bonnement indamissible. Démocratie ne signifie pas désordre ni anarchie.

Il y a un point sur lequel mon raisonnement achoppe, et c'est le référendum. C'est la raison qui m'a fait prendre la plume aujourd'hui. Car un fait saisissant vient de se produire qui le met en cause. Le premir ministre grec, après s'être vu arracher un accord sur l'application d'un Nième plan d'aide de l'Union Européenne et du FMI, a presque aussitôt décidé de renier sa signature, et de d'abord soumettre cet accord au peuple grec par référendum ! Stuppeur parmi les dirigeants européens, et sur les marchés financiers, tout le monde étant convaincu que les citoyens grecs allaient dire "non", plongeant non seulement leur pays mais l'ensemble de l'Europe dans un chaos indescriptible.

Voilà bien l'exemple type d'une décision incontournable dans l'intérêt évident du pays, mais impopulaire au point que le peuple lui-même ne peut que la refuser. Les finances de la Grèce sont dans un état calamiteux avant tout par la faute de ses dirigeants depuis plusieurs décennies, certes. Les citoyents grecs ne se sentent donc aucunement responsables de cette situation (ce qui reste partiellement faux). Mais les tentatives de rétablissement des comptes de la nation passent inévitablement par des mesures économiques douloureuses pour eux. Il faut redresser la barre par une gestion extrêmement rigoureuse, afin de rendre aux seuls investisseurs capables de renflouer le pays la confiance nécessaire à cette intervention. Mais redresser la barre signifie cesser de jeter l'argent par les fenêtres, cesser de dépenser plus que l'on ne reçoit, faire en sorte que les débiteurs paient leur dû, cesser de distribuer des aides sociales dont on n'a aucunement les moyens matériels, autant de décisions drastiques de nature à faire hurler la majorité des citoyens. Il est absolument évident qui si vous demandez à ces mêmes citoyens leur accord sur les dites mesures, vous obtiendrez à coup sûr un refus catégorique !

Et pourtant, ces mesures sont la seule solution pour éviter la faillite du pays, ce qui serait éminemment plus douloureux encore pour les citoyens grecs dont nous parlons, dans le même temps où cela projetterait, aux dires de nombre de spécialistes, tout le reste de la zone euro dans d'insondables difficultés.

Il ne fallait donc à aucun prix organiser ce référendum, même si à première vue une telle consultation paraissait légitime au nom de la démocratie...

De fait et sur l'insitance de la "communauté internationale", Georges Papandréou a fait marche arrière et ce référendum n'aura pas lieu. Son parlement lui a voté la confiance du bout des lèvres, et selon toute vraissemblance un gouvernement "d'union nationale" (qu'il ne présidera peut-être pas) se chargera de mettre en oeuvre les mesures d'accompagnement, si impopulaires, du plan d'aide international. A entendre les journaleux de service, on a presque envie de dire "tout va bien qui finit bien". Sauf que...

Sauf que rien n'est fini ! Sauf que tout est très loin d'être bien. Sauf que le plan d'aide en question a toutes les chances d'être un beau coup d'épée dans l'eau, et que la Grèce est très loin d'être sortie d'affaires.

Car si un "non" à un éventuel référendum aurait précipité le pays dans une faillite certaine, la mise en oeuvre du plan d'aide ne garantit en rien que cette faillite ne survienne pas malgré tout. Ca, c'est l'avenir qui nous le dira, et ce n'est pas mon propos d'aujourd'hui...

Une pratique exagérée et inappropriée d'une certaine idée de la démocratie directe a failli provoquer une catastrophe. La sagesse des élus, pas seulement grecs, a évité cette erreur fatale. Il reste à espérer que la démocratie représentative qui a su s'imposer saura également prendre les bonnes décisions, afin que non seulement la Grèce ne sombre pas, mais qu'également elle n'entraîne pas dans son sillage ses voisins immédiats, et particulièrement ceux qui ont commis des erreurs moins graves en intensité mais tout aussi condamnables par leur nature.

Entre la Grèce et la France, pour ne parler que d'elle, il existe une différence de degré, pas une différence de fond. Les mêmes erreurs produisent forcément les mêmes effets. Et la seule démocratie ne suffira pas à nous en exonérer...

4 commentaires:

  1. Intéressante réflexion aristocratique

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  2. C'est intéressant votre analyse sur la faillite Grec, mais vous n'abordez pas le problème de la création monétaire... Pour en revenir au sujet principal de votre article, vous vous méprenez.Ne prétendez pas être démocrate, car dans le meilleur des cas, vous faites la promotion d'une aristocratie. Et dans ce cas vous supposez que les représentants élus sont les meilleurs ce qui est loin d'être le cas.Non monsieur, je crains que vous ne fassiez là une promotion déguisée, malhonnête de l'oligarchie

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  3. Je ne fais pas du tout la promotion d'une aristocratie. Je dis simplement qu'il faut éviter que, sous couvert de démocratie, tout un chacun puisse influer au long cours la politique menée par les dirigeants en fonction d'intérêts ponctuels et fluctuants. En d'autres termes, il faut absolument éviter le règne de l'opportunisme, directement influencé par "l'air du temps", et en particulier par les médias...
    Pour mener une action bénéfique, on a besoin de stabilité et de temps. Ce n'est pas en obéissant à la versatilité ponctuelle d'une foule manipulée qu'on peut y parvenir. C'est déjà ce qu'on peut reprocher à nos dirigeants dans l'état actuel de nos institutions, par exemple quand on voit à quel point ils "naviguent à vue" en fonction de mouvement syndicaux ou de manifestations de rues. Démocratie ne veut pas dire chienlit (j'emploie ce mot dans le seul but de rester poli).
    Je maintiens que je suis un vrai démocrate, en ce sens que je considère que le peuple est souverain. Il exprime sa souveraineté en choisissant ses dirigeants. Mais entre deux scrutins, il importe absolumnet que ces dirigeants aient les mains libres pour mener à bien la politique pour laquelle ils ont été élus. Au prochain scrutin, le même peuple souverain pourra démocratiquement sanctionner ses dirigeants en les remplaçant par d'autres s'il le juge opportun. C'est l'esprit autant que la lettre de ce qu'est une république. Et c'est le rempart contre la versatilité de la foule (la vulgate, en opposition à la vox populi).
    Quant à m'accuser de faire une "promotion déguisée et malhonnête de l'oligarchie", c'est tout simplement ne rien comprendre de mon propos. L'oligarchie, c'est à dire littéralement un groupe de privilégiés, n'a rien à voir là-dedans, et rien à voir avec des dirigeants démocratiquement élus.

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  4. Monsieur René,
    Je viens de tomber sur votre blog et je viens de lire votre article. Permettez moi de vous dire que je suis absolument d'accord avec les deux messages postés en anonyme... Je vous invite d'abord à lire un excellent livre qui traite sur le sujet et qui est intitulé "Principe du gouvernement représentatif" de Bernard Manin. Ensuite je vous invite à regarder les vidéos d'un authentique démocrate voir même d'un authentique aristocrate (au vrai sens du terme) qu'est Etienne CHOUARD. Vous y gagneriez beaucoup à approfondir sur le sujet!

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