Et ce n'est pas tout ! On s'attend (sans doute dans les jours qui viennent), à un coup de semonce à l'égard de l'Espagne et du Portugal. Suivra sans doute l'Italie, et je suis de ceux qui considèrent, contre l'avis officiel de Christine Lagarde et François Baroin, que la France sera directement concernée à plus ou moins brève échéance.
A terme, c'est toute la zone euro qui est ou sera ébranlée par la perte de confiance des marchés. Mais le problème n'est cependant pas circonscrit à cette seule zone euro. En outre, il n'est pas conjoncturel, comme on voudrait nous le faire croire, mais bien structurel.
Je ne suis pas économiste, et ce n'est donc pas l'avis d'un spécialiste de la finance que je vais tenter de donner, mais tout simplement l'avis de quelqu'un qui ne fait que regarder (et subir) le comportement de la plupart des états sur cette planète. Tout au moins des états qui se veulent encore riches, qui ne le sont plus vraiment (voire plus du tout), qui ne veulent pas le reconnaître, qui "font comme si" avec arrogance et irresponsabilité, et dont le comportement est la cause profonde de la crise financière, et accessoirement (!...) de l'appauvrissement des populations.
Une partie du spectre politique, en France et ailleurs, fustige bruyamment le fait que les marchés financiers "feraient la loi", et que les banques seraient la cause de tous nos malheurs.
A première vue, il est vrai, et pour qui ne connait pas (ou ne veut pas connaitre) le fonctionnement de l'économie, il peut paraître a priori étonnant que des états souverains, et possiblement de grands états, réputés détenteurs du vrai pouvoir, se retrouvent à la merci d'organismes politiquement bien moins puissants. A première vue seulement !
Très schématiquement, et pour faire ultra-simple, l'économie fonctionne comme un système de vases communiquants :
- L'ensemble des travailleurs (je n'ai pas dit les salariés : il s'agit de tous ceux qui travaillent) produisent des richesses
- Le fruit des richesses produites (les bénéfices réalisés) est réparti entre
- Les salariés en rémunération du travail fourni
- Les propriétaires des entreprises (actionnaires ou entrepreneurs individuels) en rémunération du capital immobilisé, et pour investir, c'est à dire pour renouveler ou développer l'outil de production
- Les organismes de sécurité sociale pour payer les soins, les retraites et les aides sociales
- L'état pour financer les services publics
- Chacun de ces bénéficiaires remet tout ou partie de ce qu'il a reçu dans le circuit économique pour se procurer des biens et des services
- Ce qui nous ramène au premier point (création de nouvelles richesses)
- Les richesses produites sont suffisantes pour satisfaire les besoins
- On ne tente pas de répartir plus que le total des richesses produites
Mais pour emprunter, il faut trouver un prêteur ! Qui prête aux états ? Essentiellement des banques et des organismes financiers. Encore faut-il que ces banques et ces organismes soient sûrs d'être remboursés, et d'être rémunérés. C'est à dire qu'ils aient confiance dans les capacités de l'état à faire face à ses obligations. Et c'est bien là que le bât blesse ! Quand un état se retrouve endetté à un point qui risque de le mettre dans l'impossibilité de rembourser ses créanciers, plus personne ne veut lui prêter. Ou alors à des taux d'intérêt très élevés. C'est ce qui est arrivé à la Grèce cet été, puis à l'Irlande hier, à l'Espagne et au Portugal sans doute demain, à la France peut-être après-demain !
Mais le plus grave n'est pas là : il y a pire encore. Tous ces emprunts que font les états, sont ce qu'on appelle des emprunts "in fine", c'est à dire que l'emprunteur ne paie, durant toute la durée du prêt, que les intérêts de sa dette. Le capital, lui, est sensé être remboursé en une seule fois, à la fin. Comme la situation de l'état ne s'est pas améliorée entre temps (au contraire), il est dans l'impossibilité de rembourser le moment venu, et est donc contraint de faire un nouvel emprunt pour rembourser le précédent ! Si, à ce moment, il ne trouve pas de prêteur, c'est là ce qu'on appelle faire faillite : les établissements financiers prêteurs ne peuvent rentrer dans leurs fonds. Comme ce sont des sommes très importantes, une telle situation (qui ne s'est encore heureusement jamais produite) entrainerait presque immanquablement la faillite de ces banques, et par ricochet celle de leurs clients. C'est une telle catastrophe financière que les instances internationales tentent d'éviter, qu'il s'agisse de l'Eurogroupe ou du FMI par exemple.
Mais pour éviter d'en arriver là, force est de constater que ce ne sont pas les politiques les plus pertinentes qui sont mises en œuvre. Hier à Bruxelles, par exemple, les ministres des finances de la zone euro sont parvenus à un accord qu'on nous présente comme une bonne chose, et qui équivaut cependant à vouloir éteindre un incendie avec un bidon d'essence ! L'Europe vient de s'accorder sur la constitution d'un "Fonds d'aide permanent", financé en partie par les banques. Autrement dit, non seulement pour financer la dette des états membres, l'Europe a décidé de s'endetter elle-même, mais encore a-t-elle décidé de faire en sorte qu'une partie de cette dette soit à la charge des créanciers eux-mêmes ! Assez génial, ne trouvez-vous pas ?
Une autre solution a été mise en oeuvre récemment, qui n'est pas plus pertinente : faire racheter par la BCE certaine dettes publiques. En clair, c'est faire tourner la planche à billets, et payer les créanciers avec cette "monnaie de singe" ! Le procédé n'est pas nouveau. Il a déjà été largement utilisé outre Atlantique. La conséquence mécanique est une inflation galopante, c'est à dire le contraire de la solution au problème posé...
La vraie solution, la seule valable, consisterait au contraire à s'attaquer aux causes au lieu de "rafistoler" des finances publiques calamiteuses. La vraie solution, la seule valable, serait de s'attaquer aux déficits, c'est à dire de cesser enfin de dépenser plus que ce qu'on gagne !
C'est vrai pour le particulier qui devra bien un jour admettre que l'état n'est pas là pour prendre en charge le surplus de ses dépenses qui n'est pas couvert par ses revenus.
C'est vrai aussi pour l'état qui devra bien un jour lui aussi cesser de distribuer des subsides qu'il n'a pas, des richesses qui ne sont pas produites, pour acheter les votes de ces électeurs que l'on entretient dans l'illusion d'une richesse artificielle et fallacieuse, au point qu'ils sont aujourd'hui persuadés qu'il suffit de demander pour obtenir, de descendre dans la rue pour préserver ses privilège, voire pour en obtenir de nouveaux, et au point que la moindre mesure restrictive par rapport à un acquis indu, fût-elle ridiculement insuffisante, est ressentie comme une violation d'un droit naturel.
Ce ne sont pas les citoyens qui sont critiquables, mais bien les dirigeants qui n'ont pas su, et qui ne savent toujours pas, parler le discours de la vérité, comme s'ils avaient affaire à des imbéciles. Les citoyens sont capables de comprendre à condition qu'on cesse de leur dire des sornettes. Peut-être seront-ils en colère. Peut-être ne voteront-ils pas la prochaine fois pour ceux qui les ont menés en bateau. Peut-être vivront-ils des moments difficiles le temps de redresser la barre. Mais au moins évitera-t-on un naufrage inéluctable si l'on continue sur la même lancée. Le réveil sera sans doute difficile, mais l'avenir sera-t-il enfin moins noir et l'espoir sera-t-il enfin crédible.
Mais là, je me surprends à rêver tout haut ! Quel est l'homme politique suffisamment honnête pour dire ces vérités aux citoyens ? J'ai beau chercher, je n'en vois aucun. Et c'est tout à fait déprimant...